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Allocution de Michael Binder, président de la CCSN, à la Rencontre générale biennale 2015 de la WANO

Rencontre générale biennale de l’Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires (WANO)

Table ronde des organismes de réglementation sur les enjeux actuels et futurs

Notes d’allocution pour :

Michael Binder, président

Commission canadienne de sûreté nucléaire

Rencontre générale biennale de l’Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires

Le 6 octobre 2015

La version prononcée fait foi

Bonjour Mesdames et Messieurs. Je suis très heureux d’être ici ce matin. Je suis Michael Binder, le président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Je tiens tout d’abord à remercier Duncan Hawthorne de m’avoir invité à cette table ronde. J’aimerais aussi souligner la présence des dirigeants de centrales nucléaires canadiennes qui participent régulièrement aux audiences publiques de notre commission.

Il y a aussi Tom Mitchell, qui a apporté son leadership au secteur nucléaire, au Canada comme à l’étranger, particulièrement lors de la réponse aux événements de Fukushima.

Se joignent à moi aujourd’hui Monsieur Jan Bens et mon proche collègue et ami André-Claude Lacoste.

Réflexions post-Fukushima

Plus de quatre années se sont maintenant écoulées depuis l’accident de Fukushima.

Les exploitants de centrales nucléaires et les organismes de réglementation du monde entier ont réalisé des examens, des plans d’action ont été mis en œuvre, et l’Agence internationale de l’énergie atomique a récemment publié son rapport définitif sur le sujet.

C’est le moment idéal de réfléchir à ce qui a été accompli et de commencer à évaluer si nous avons fait tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu’un tel accident se reproduise.

Au Canada

Beaucoup de chemin a été fait au pays. Partout dans le monde, les États producteurs d’énergie nucléaire ont réagi rapidement après Fukushima en renforçant la sûreté de leurs installations nucléaires.

Peu de temps après l’accident, la CCSN a formé un groupe de travail sur Fukushima. Ce groupe a été chargé de revoir l’organisation de toutes nos grandes installations nucléaires afin de confirmer qu’elles pouvaient résister et réagir à des accidents hors dimensionnement.

La CCSN a aussi mis sur pied un comité consultatif externe pour évaluer de façon indépendante nos processus et interventions à la lumière des leçons tirées de l’accident de Fukushima.

La CCSN a été le premier organisme de réglementation à demander un examen de sa réponse à l’accident de Fukushima dans le cadre de la mission de suivi du Service d’examen intégré de la réglementation de l’AIEA.

Les recommandations du Groupe de travail et les deux examens se sont traduits par un plan d’action divisé en quatre catégories clés :

  • renforcer la défense en profondeur
  • améliorer la réponse en cas d’urgence
  • améliorer le cadre de réglementation
  • resserrer la collaboration internationale

Le plan d’action prévoit aussi des mesures pour améliorer la communication et la sensibilisation du public.

Ce plan d’action quadriennal prendra fin en décembre 2015. On m’a dit que les exploitants ont investi jusqu’à maintenant plus de 500 millions de dollarsFootnote 1 dans ces améliorations.

Nos efforts ne s’arrêtent pas là. Le Canada accueille actuellement une mission de l’Équipe d’examen de la sûreté d’exploitation et du Service consultatif international sur la protection physique. Quant à elle, la CCSN revoit la façon dont elle prépare les évaluations probabilistes de sûreté pour les sites à tranches multiples.

Le Canada n’est pas la seule entité à effectuer de tels travaux.

Nous devrions tous être fiers des efforts déployés par l’ensemble des États producteurs d’énergie nucléaire après la tragédie de Fukushima.

Dans le monde

À l’échelle internationale, beaucoup de travail a été accompli depuis Fukushima pour renforcer la sûreté nucléaire.

WANO

Je tiens à souligner les réalisations des membres de la WANO pour consolider les programmes existants, lesquelles devraient être un modèle sur le plan réglementaire.

En rendant obligatoire les examens de site tous les quatre ans et les mesures correctives qui en découlent, vous avez réalisé des progrès considérables.

Il n’y a rien de comparable à l’échelle réglementaire internationale.

AIEA

Immédiatement après l’accident de Fukushima, l’Agence internationale de l’énergie atomique a adopté le Plan d’action sur la sûreté nucléaire. Depuis, les États membres mettent en œuvre ses dispositions exhaustives.

Le rapport de l’AIEA sur l’accident de Fukushima Daiichi a été publié le mois dernier. Il est le fruit du travail de longue haleine d’experts de nombreux pays et d’organisations internationales.

J’espère que ce document aidera tous les États membres actuels et futurs à renforcer la sûreté nucléaire.

Convention sur la sûreté nucléaire

Les leçons tirées de l’accident de Fukushima ont aussi été intégrées dans le cadre de la Convention sur la sûreté nucléaire pour veiller à ce que nos acquis ne soient jamais oubliés.

De telles préoccupations ont également été abordées lors de nombreux autres forums (INRA, AEN, WNA, WENRA, etc.) et de nouvelles idées et de nouvelles mesures continuent d’en découler.

Généralités

Compte tenu du travail qui a été fait, et qui reste à faire, je crois que les installations nucléaires sont plus sûres qu’avant l’accident de Fukushima.

Toutefois, nous devons nous poser la question suivante : En avons-nous assez fait? Les mesures prises suffiront-elles à prévenir d’autres accidents?

Questions à se poser

On m’a demandé de vous parler des défis qui attendent la sûreté nucléaire.

Nous avons fait d’énormes progrès pour renforcer la sûreté nucléaire au Canada. Mais la nuit, je me demande si les autres États producteurs d’énergie nucléaire en ont fait tout autant.

Notre cadre actuel de réglementation en matière de sûreté repose sur le principe de souveraineté réglementaire nationale. Il n’y a pas d’organisme de réglementation international à qui les États producteurs d’énergie nucléaire doivent rendre des comptes et envers lequel ils doivent s’engager à assurer la sûreté nucléaire. Le régime de sûreté de chaque pays est fondé sur son propre cadre de réglementation.

Mais pouvons-nous vraiment laisser chaque pays appliquer son propre cadre de sûreté sans obligation de rendre des comptes à la communauté internationale?

Si c’est le cas :

  • Qui signalera les lacunes et les non-conformités importantes aux pratiques approuvées à l’échelle internationale?
  • Qui dénoncera publiquement un pays dont l’organisme de réglementation n’est pas indépendant?
  • Qui dira à un nouvel État membre qu’il n’est pas prêt à devenir un producteur d’énergie nucléaire?

À ce jour, ces questions n’ont pas été abordées publiquement, mais seulement dans le cadre du processus de la WANO ou des examens volontaires de l’AIEA.

AIEA

Je ne crois pas que nous pouvons continuer d’accepter que l’AIEA joue un rôle de consultant et de conseiller réactif en sûreté nucléaire qui intervient seulement lorsque sollicité par un État membre.

Le monde compte sur l’AIEA pour empêcher la prolifération des armes nucléaires. À cet effet, le mandat de l’AIEA indique clairement qu’il incombe à cette dernière de vérifier que les États membres appliquent les exigences en matière de garanties. Ici, l’AIEA est l’organisme de réglementation international ayant de vastes responsabilités de surveillance et de reddition de comptes.

Mais ce n’est pas le cas pour la sûreté nucléaire.

À Vienne, j’entends encore souvent que la sûreté nucléaire est la responsabilité de chaque pays.

Le mot d’ordre « souveraineté réglementaire » a forcé l’AIEA à croire qu’elle n’avait pas le pouvoir de rendre publiques les préoccupations relatives à la sûreté.

Si l’AIEA n’a pas le mandat légal de nommer et de pointer du doigt les fautifs, qui la défiera publiquement de citer les risques pour la sûreté nucléaire? L’AIEA ne peut plus continuer à ignorer les graves problèmes de sûreté qui ne sont pas soulevés par un État membre.

Contrairement aux examens par les pairs de la WANO, ceux de l’AIEA ne sont pas obligatoires, et les pays ne sont pas tenus de suivre les recommandations qui en émanent.

La CCSN est tout à fait en faveur des examens par les pairs. Toutefois, elle n’y participera plus si les autres pays ne s’engagent pas à mettre en œuvre les recommandations formulées.

Même à la réunion d’examen de la Convention sur la sûreté nucléaire, les non-conformités et les lacunes majeures ne sont pas portées au plus haut ordre des gouvernements.

Cela doit changer!

L’AIEA doit jouer un plus grand rôle et devenir l’organisme de réglementation mondial de la sûreté nucléaire. Comme pour les garanties, la sûreté nucléaire doit reposer sur une responsabilisation planétaire et la présentation de rapports connexes au Conseil des gouverneurs de l’AIEA et aux Nations Unies.

Nous devons militer en faveur d’un meilleur équilibre entre la sûreté et les garanties. Je ne pense pas que l’AIEA ait besoin d’une autre convention exécutoire qui lui permettrait d’agir comme organisme mondial de réglementation du nucléaire. Je crois que les chefs de gouvernement supposent déjà que l’AIEA veille à ce que les lacunes en matière de sûreté nucléaire soient cernées et signalées aux autorités responsables.

WANO

L’AIEA n’est toutefois pas la seule organisation en mesure de mettre au jour les préoccupations relatives à la sûreté – qu’elles concernent un organisme de réglementation ou un exploitant.

La WANO est bien placée pour soulever des problèmes concernant non seulement ses membres, mais aussi des organismes de réglementation. Un organisme de réglementation faible ne peut être notre ami. Au contraire, il fait le considérer comme un ennemi qui pourrait affaiblir la défense en profondeur en général.

Vos examens par les pairs sont efficaces pour dégager les lacunes en collaboration avec vos collègues exploitants, mais que devez-vous faire si un exploitant n’adopte pas les recommandations pour corriger la situation?

Lorsque les non-conformités à vos propres exigences se répètent, vous devez impérativement aborder la question avec l’ordre de gouvernement responsable le plus élevé et avec l’AIEA.

AIEA et WANO

Finalement, l’AIEA et la WANO doivent se réunir pour aborder les sujets de préoccupation, y compris le non-respect des pratiques exemplaires, les cultures de sûreté faibles, et j’en passe.

Je ne sais pas quel mécanisme pourrait nous permettre de concrétiser cette vision. Mais je sais qu’un autre accident nous toucherait tous. Nous devons travailler ensemble et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher que cela se produise.

Le protocole d’entente signé par votre organisation et l’AIEA est un pas dans la bonne direction, mais est-ce suffisant? 

Lorsqu’il est question du nucléaire, tous doivent convenir de se surveiller les uns les autres.

Conclusion

Pour terminer, j’aimerais vous remercier de tout ce que vous avez fait et continuez à faire pour promouvoir la sûreté nucléaire partout dans le monde.

Nous avons accompli beaucoup de choses depuis Fukushima, mais nous devons demeurer vigilants. Il ne faut pas attendre qu’un autre accident se produise avant d’agir.

Nous devons relever de nouveaux défis : de nouveaux pays adoptent la technologie nucléaire, certaines régions se développent plus rapidement alors que d’autres entament une période de déclassement. Nous voyons aussi émerger de nouvelles propositions de modèle clé en main pour la construction et l’exploitation de centrales nucléaires dans les pays producteurs d’énergie nucléaire émergents, ce qui pourrait donner lieu à de nouveaux défis.

Il est temps d’entrer dans une nouvelle ère d’ouverture, de transparence et de responsabilisation mondiale en matière de surveillance internationale de la sûreté nucléaire.

Merci beaucoup.

Footnotes

Footnote 1

Commentaire de M. Duncan Hawthorne à la réunion publique de la CCSN du 20 août 2014 (pages 151-157).

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