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Rapport sur ce que nous avons entendu – DIS-12-02

Processus d'établissement des limites de rejets et des seuils d'intervention dans les installations nucléaires

Préambule

Les documents de travail jouent un rôle important dans la sélection et l’élaboration du cadre et du programme de réglementation de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Ils servent à solliciter une rétroaction rapide de la part du public sur les politiques et les approches de la CCSN.

Le recours aux documents de travail dès les premières étapes du processus de réglementation témoigne de l’engagement pris par la CCSN à l’égard d’un processus de consultation transparent. La CCSN analyse la rétroaction préliminaire et en tient compte pour déterminer le type et la nature des exigences et des orientations à établir.

Introduction

Dans le cadre de son exploitation normale, toute installation industrielle produira des rejets d’une nature ou d’une autre dans l’air ou dans l’eau, et les installations nucléaires ne font pas exception. Toutes les installations nucléaires canadiennes sont réglementées par la CCSN, qui assure la protection des travailleurs, du public et de l’environnement. Les rejets de substances radioactives ou dangereuses dans l’environnement par les installations réglementées par la CCSN ont toujours fait l’objet d’une surveillance et d’un contrôle réglementaires, principalement par le truchement des limites de rejets fixées dans les permis. Ces limites de rejets sont d’une importance fondamentale, car elles aident à :

  • protéger la santé humaine et l’environnement
  • adopter les technologies de prévention et de contrôle de la pollution les plus appropriées
  • favoriser l’amélioration continue dans le domaine de la prévention et du contrôle proactifs de la pollution

La méthode utilisée pour déterminer les limites de rejets a souvent varié en fonction de la nature de l’installation ou de la substance. Actuellement, deux types de limites de rejets sont établis et appliqués dans les installations réglementées par la CCSN : les limites de rejets fondées sur l’exposition (LRFE) et les limites de rejets fondées sur la technologie (LRFT). Les LRFE visent à ce que les rejets dans l’environnement récepteur demeurent inférieurs à certains niveaux, en vue de respecter des critères souhaités de qualité de l’environnement ou de santé humaine. Les LRFT sont basées sur les technologies et techniques disponibles de prévention de la pollution, et établissent un niveau minimal de traitement selon des facteurs technologiques et économiques.

La CCSN exige également des titulaires de permis qu’ils établissement des seuils d’intervention qui indiquent rapidement que les rejets d’une installation réglementée s’écartent peut-être de la norme. Toutefois, la méthode d’établissement ou de calcul des seuils d’intervention n’a pas toujours été appliquée de manière uniforme pour les substances nucléaires et dangereuses dans toutes les installations nucléaires autorisées.

Avec la publication du document de travail DIS-12-02, Processus d’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention dans les installations nucléaires, la CCSN a proposé de rendre plus claire son approche pour contrôler les rejets dans l’environnement en mettant en place un cadre formel d’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention connexes pour les substances nucléaires et dangereuses.

Le document de travail proposait aussi un certain nombre de modifications importantes à l’établissement des limites de rejets fondées sur l’exposition. La CCSN a souvent calculé les limites opérationnelles dérivées (LOD) pour protéger la population au moyen de la limite de dose du public de 1 mSv/an - un niveau reconnu pour protéger la santé humaine. Cependant, dans le document DIS-12-02, la CCSN a proposé la pratique internationale générale qui consiste à calculer les LOD au moyen d’une contrainte de dose. Une contrainte de dose de 0,05 mSv/an a été proposée pour les installations actuelles, et comme objectif de conception pour les nouveaux réacteurs nucléaires, une contrainte de dose de 0,01 mSv/an a été recommandée. Il a également été suggéré que les nouvelles installations rejetant du tritium se fixent un objectif nominal de 100 Bq/L pour les émissions de tritium dans les eaux souterraines aux limites de la zone contrôlée de l’installation.

Le document DIS 12-02 laisse également entendre que la CCSN a établi les limites de rejets pour les substances dangereuses en visant les objectifs suivants :

  • harmoniser les limites de rejets avec les processus provinciaux d’octroi de permis existants, dans la mesure du possible
  • utiliser les limites de rejets fondées sur la technologie (LRFT) pour établir des niveaux minimaux requis pour la prévention de la pollution
  • intégrer un « concept de zone de dilution » restreinte lorsque des limites de rejets fondées sur l’exposition (LRFE) propres au site sont justifiées

Il a également été suggéré que tous les effluents liquides rejetés dans les eaux abritant du poisson doivent respecter les critères d’Environnement Canada pour ce qui est de démontrer la non-toxicité des effluents.

En ce qui concerne les émissions atmosphériques, la CCSN a proposé que les rejets dans l’air respectent les normes ou critères pertinents de qualité de l’air, et que les rejets correspondent aux règlements et aux approches des provinces, à moins qu’une évaluation des risques propres au site et que les données de la surveillance de l’environnement indiquent la nécessité d’exigences plus strictes.
En résumé, par la publication du document DIS-12-02, la CCSN a fait part de son intérêt à entamer le dialogue avec les parties intéressées sur des propositions visant les objectifs suivants :

  • adopter une méthode plus uniforme concernant les rejets d’effluents dans tous les secteurs de l’industrie nucléaire
  • aligner la CCSN sur les meilleures pratiques nationales et internationales

Processus de consultation

Le document de travail DIS-12-02, Processus d’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention dans les installations nucléaires, a été publié sur le site Web de la CCSN le 22 février 2012, pour une période de consultation de 60 jours. À la demande de l’industrie, cette période a été prolongée jusqu’au 30 juin 2012.

Après la consultation publique, les commentaires soumis par les parties intéressées ont été affichés sur le site Web de la CCSN pendant 14 jours, soit du 30 juillet au 14 août 2012, afin de donner aux parties intéressées la possibilité de formuler de la rétroaction sur ces commentaires. À la demande de l’industrie, cette période a été prolongée jusqu’au 13 septembre 2012.

La CCSN a reçu 29 mémoires des parties intéressées.

Résumé des commentaires formulés par les parties intéressées

Dans l’ensemble, les commentaires appuyaient les efforts de la CCSN en vue d’élaborer un cadre de réglementation plus transparent et uniforme pour la protection de l’environnement. Les commentaires appuyaient également l’ajout de normes et de guides existants dans le cadre, dans la mesure du possible. La plupart des répondants ont estimé que les principes de base décrits dans le document étaient solides, et que les changements proposés étaient valides. Cependant, certains ont affirmé que le document de travail ne devrait pas envisager de proposer des valeurs précises pour les contraintes de dose et les limites de rejets, car le document traitait de l’approche et non des limites en tant que telles. Dans quelques commentaires, les répondants demandaient des précisions ou indiquaient que les approches n’étaient pas claires.

Il a été suggéré de consulter Environnement Canada et les organismes de réglementation provinciaux avant d’établir des limites de rejets. Des commentaires ont été reçus sur le fait que la CCSN devrait continuer de se fier à Environnement Canada et aux ministères provinciaux de l’Environnement en ce qui concerne la réglementation des substances dangereuses et qu’elle devrait se concentrer uniquement sur les substances nucléaires.

Bien que certains aient suggéré d’utiliser le processus d’élaboration de normes de l’Association canadienne de normalisation (CSA) pour élaborer une norme sur l’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention, cette option a été vigoureusement contestée par d’autres.

Le concept de LRFT propres à chaque cas a recueilli des avis partagés. Certains ont jugé que l’utilisation restreinte de LRFT propres à chaque cas peut s’avérer une solution de rechange raisonnable aux limites fondées sur l’exposition lorsque ces limites ne peuvent être respectées au moyen de la technologie actuelle et si le risque global est acceptable. D’autres étaient totalement opposés à l’utilisation de tout type de limite propre au cas.

Il a été suggéré que la CCSN surveille la mise au point de nouvelles technologies et exige que les installations nucléaires apportent des changements technologiques lorsque ceux-ci entraînent une réduction importante des rejets de radionucléides (lorsque cela est rentable). De plus, à mesure que de nouvelles technologies seraient mises en œuvre, la CCSN devrait réviser les limites de rejets fondées sur la technologie.

Consultation des parties intéressées

Bien que la CCSN ait récemment commencé à utiliser les documents de travail pour solliciter une rétroaction rapide sur les approches réglementaires, de nombreux répondants ont indiqué qu’ils auraient aimé participer dès le début de l’élaboration de l’approche proposée. Il est clair que les parties intéressées veulent être consultées tout au long du processus d’établissement d’une méthode uniforme visant les rejets d’effluents dans le secteur nucléaire. La CCSN offrira d’autres possibilités de fournir de la rétroaction à ce sujet.

Paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches et zones de dilution

La plupart des répondants se sont dit en faveur de la proposition visant à utiliser une zone de dilution restreinte appropriée au moment d’établir les LRFE. Il a été reconnu que les zones de dilution sont bien acceptées comme méthode pour déterminer les exigences de traitement et sont communes aux régimes de permis provinciaux. Cependant, il a été souligné que la Loi sur les pêches ne comprend pas de disposition pour l’inclusion d’une zone de dilution en lien avec le dépôt d’une substance délétère. Donc, cette proposition pourrait contrevenir au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches. À la lumière de ces renseignements, un commentaire a été émis suggérant que le concept de zone de dilution soit retiré ou, à tout le moins, grandement restreint et utilisé uniquement dans des situations limitées ou exceptionnelles.

Harmonisation et équivalence avec d’autres organismes de réglementation

Certains répondants ont indiqué que la CCSN devrait harmoniser ses exigences réglementaires aux exigences réglementaires fédérales et provinciales en adoptant des équivalences, ce qui réduirait le fardeau réglementaire et le double emploi.

Certains se sont dits préoccupés par le fait que l’approche proposée pourrait stigmatiser l’industrie minière de l’uranium en lui imposant des normes qui ne sont pas obligatoires dans des secteurs miniers similaires autres que l’uranium au Canada. Il a été suggéré que les limites de rejets propres à chaque site soient établies par consultation conjointe entre la CCSN et les gouvernements provinciaux et qu’elles fassent consensus.

Limites opérationnelles dérivées et limites de rejets

Une préoccupation commune soulevée par l’industrie concernait l’utilisation d’une contrainte de dose pour établir les limites de rejets. L’industrie :

  • croit que la CCSN a mal interprété la définition de contrainte de dose fournie par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) ainsi que son utilisation dans la détermination des limites de rejets
  • est d’avis que les limites opérationnelles dérivées (LOD) devraient continuer de reposer sur la limite de 1 mSv/an
  • s’inquiète de voir la contrainte de dose devenir la nouvelle limite de dose en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires
  • affirme qu’aucune justification n’a été fournie pour appuyer l’application de contraintes de dose et estime que leur utilisation proposée mine le processus actuel d’évaluation, de planification, d’amélioration continue et de gestion adaptative (ce qui pourrait donner l’impression qu’elle ne protège pas adéquatement le public)

D’autres, y compris les organisations non gouvernementales (ONG), sont d’avis que la pratique actuelle d’établissement des LOD en fonction de la limite de dose réglementaire du public de 1 mSv/an est inappropriée. Ils croient que cette pratique se traduit par des limites de rejets souvent plus élevées que les rejets réels et, donc, n’offre aucun intérêt réglementaire en ce qui a trait à la démonstration d’un contrôle des rejets.

Contrainte de dose de 0,05 mSv/an proposée pour les installations actuelles

Des préoccupations ont été soulevées à l’égard de la pertinence et de l’utilité de la contrainte de dose de 0,05 mSv/an proposée pour les installations actuelles, car cette valeur pourrait être inférieure à la variation de l’exposition aux rayonnements de fond locaux. Il a été suggéré que la contrainte de dose de 0,05 mSv/an pour les installations actuelles et celle de 0,01 mSv/an pour les nouveaux réacteurs nucléaires pourrait être trés coûteux, voire impossible à atteindre.

Certains ont indiqué que la classification des mines et usines de concentration d’uranium en tant qu’installations nucléaires ne reposait pas sur un besoin démontré. Certains ont exprimé leurs inquiétudes quant à la compétitivité du Canada à l’égard des investissements internationaux dans l’extraction minière de l’uranium, affirmant que la compétitivité pourrait être réduite si des contraintes de dose sont fixées inadéquatement à des niveaux trop bas.

Limites de rejets fondées sur le risque

Certains ont affirmé que les limites de rejets devraient être fondées uniquement sur le risque (c.-à-d. l’exposition), et non sur la prévention de la pollution (c.-à-d. limites minimales fondées sur la technologie).

Objectifs nominaux

L’industrie a estimé que la discussion sur les objectifs nominaux n’avait pas sa place dans un document de réglementation, et devrait plutôt s’inscrire dans le processus d’évaluation environnementale. Bien que certaines ONG aient appuyé la proposition visant à diminuer l’objectif nominal pour le tritium dans l’eau potable pour les nouvelles installations de 7 000 Bq/L à 100 Bq/L, elles préfèreraient que cette ligne directrice soit réduite à 20 Bq/L, comme l’a proposé le Ontario Drinking Water Advisory Council.

Processus d’établissement des seuils d’intervention

Certains répondants n’ont pas appuyé l’utilisation d’une méthode statistique pour l’établissement des seuils d’intervention. Ils ont estimé qu’une telle pratique n’améliorerait pas la sûreté et que l’augmentation inutile des rapports contribuerait alors à accroître l’inquiétude du public. Certains se sont même dits inquiets que les seuils d’intervention ne deviennent des LRFT. D’autres ont reconnu que la méthode statistique était bien alignée sur la définition de seuil d’intervention dans le contexte de la protection de l’environnement et qu’elle était scientifiquement défendable. Certains ont suggéré l’établissement d’un seuil maximal, en plus d’un seuil d’intervention établi statistiquement qui devrait être déclenché après un certain nombre de dépassements.

Il a été mentionné que l’introduction de changements aux limites de rejets et aux seuils d’intervention pourrait entraîner une augmentation de la fréquence de production de rapports. L’industrie croit fermement que de tels changements devraient être précédés d’un effort substantiel de communication publique de la part de la CCSN et des titulaires de permis afin de s’assurer que le public comprend bien les changements à la fréquence de présentation de rapports et leur signification.

Prochaines étapes

Étant donné la diversité des commentaires reçus au sujet du document de travail DIS-12-02, la CCSN reconnaît qu’elle doit clarifier davantage son approche proposée pour l’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention aux installations nucléaires avant d’élaborer officiellement les exigences réglementaires et les documents d’application de la réglementation.

Afin d’apporter des précisions supplémentaires et d’approfondir le dialogue sur ces propositions, la CCSN organisera des ateliers d’une journée avec les intervenants qui ont fourni des commentaires. Ces ateliers auront lieu en juin 2013. Après une évaluation approfondie des résultats et des commentaires issus de ces ateliers, la CCSN élaborera son approche réglementaire pour l’établissement des limites de rejets et des seuils d’intervention dans les installations nucléaires. Les intervenants et le public auront l’occasion de donner leur avis sur l’approche proposée.

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