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REGDOC-2.10.1 : Gestion des urgences et protection-incendie, tome II : Cadre pour le rétablissement après une urgence nucléaire

Préface

Ce document d’application de la réglementation fait partie de la série de documents d’application de la réglementation de la CCSN intitulée Gestion des urgences et protection-incendie. La liste complète des séries figure à la fin de ce document et peut aussi être consultée sur le site Web de la CCSN.

Le document d’application de la réglementation REGDOC-2.10.1, Gestion des urgences et protection-incendie : tome II, Cadre pour le rétablissement après une urgence nucléaire, décrit les orientations que les décideurs pourraient devoir prendre en considération avant ou après une intervention en cas d’urgence nucléaire. L’orientation du présent document est conforme aux pratiques exemplaires internationales.

Étant donné que le rétablissement après une urgence nucléaire constitue un sujet vaste et complexe, il aura une incidence sur de nombreuses instances gouvernementales et ordres de gouvernement, et sur des organisations de gestion des interventions d'urgence. Le présent document d’application de la réglementation a été réalisé grâce à un partenariat et à une collaboration soutenue entre trois de ces organisations, soit la CCSN, Santé Canada et Ressources naturelles Canada.

Table des matières

1. Introduction

Le présent document fournit de l’orientation que les décideurs devront peut-être prendre en compte avant ou après l'intervention suite à une urgence nucléaire au Canada. L’orientation dans ce document est conforme aux pratiques exemplaires à l’échelle internationale et aux recommandations de l’Agence internationale de l'énergie atomique et de la Commission internationale de protection radiologique.

1.1 Définition du rétablissement

Dans le contexte de ce document, le rétablissement se définit comme les mesures prises à la suite d’une urgence nucléaire en vue de rétablir la qualité de vie, les systèmes sociaux, les activités économiques, l’infrastructure communautaire et l’environnement. L’ampleur des mesures prises durant le rétablissement serait généralement déterminée par la compétence autorisée, en consultation avec les parties intéressées touchées par l’urgence nucléaire et ses conséquences. La portée des efforts de rétablissement devrait être proportionnelle à l’incidence de l’urgence nucléaire sur la population et l’environnement à proximité.

Les organisations de gestion du rétablissement de la compétence autorisée prendront la relève des organisations de gestion des urgences nucléaires à mesure que la phase d’intervention d’urgence passera à la phase de rétablissement. Dans sa planification, l’organisation responsable devrait tenir compte des éléments de rétablissement décrits dans ce document, lequel vise en partie à éclairer la composition de l’organisation de gestion du rétablissement afin que les plans fédéraux, provinciaux et municipaux de rétablissement puissent être développés davantage.

1.2 Objectif

Le présent document fournit des orientations aux autorités et aux décideurs qui ont la responsabilité de préparer et de mettre en œuvre des plans de rétablissement hors site à la suite d’une urgence nucléaire.

1.3 Portée

Les orientations fournies dans ce document concernent la planification et l’exécution des opérations de rétablissement hors site à la suite d’une urgence nucléaire. L’urgence nucléaire est une situation exceptionnelle dans laquelle il faut intervenir rapidement afin d'atténuer le risque radiologique qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la santé et la sécurité humaine, la qualité de vie, les biens ou l’environnement [1].

En matière d’exécution des éléments de rétablissement à la suite d’une urgence nucléaire, on présume dans le présent document que des substances radioactives ont été rejetées, menant à des niveaux de contamination radioactive supérieurs aux limites prescrites pour le domaine public (c’est-à-dire dans une zone accessible au public qui n’est pas sous le contrôle direct d’un titulaire de permis de la CCSN). De plus, l’expression « urgence nucléaire » est utilisée au sens large; elle désigne à la fois les urgences nucléaires et radiologiques dont les conséquences exigeraient la mise en œuvre d’un plan de rétablissement.

Les points suivants se situent en dehors du champ d’application de ce document :

  • exigences et orientation à l’intention des titulaires de permis en matière de préparation et d’intervention d’urgence, lesquelles sont fournies dans le document REGDOC-2.10.1, Préparation et intervention relatives aux urgences nucléaires [2]
  • orientations à l’intention des titulaires de permis pour les mesures de rétablissement sur place
  • considérations de sécurité associées aux urgences nucléaires étant donné qu’elles auront été gérées avant le début de la phase de rétablissement

1.4 Tirer parti des normes, des exigences et des recommandations internationales

Le cadre pour le rétablissement après une urgence nucléaire du Canada reflète les normes, les exigences et les recommandations internationales, dont celles de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’application de ces pratiques exemplaires contribuera à l’harmonisation mondiale des dispositions relatives à la préparation, à l’intervention et au rétablissement d’une urgence nucléaire.

L’AIEA a établi des exigences pour l’élaboration de mesures de rétablissement :

  • La prescription 18 de la partie 7 des Prescriptions générales de sûreté (PGS) de l’AIEA [3] se lit comme suit : « Le gouvernement veille à ce que des dispositions soient prises et appliquées pour mettre fin à une situation d’urgence nucléaire ou radiologique, compte tenu de la nécessité de reprendre les activités sociales et économiques habituelles. » De plus, les sections 5.95 à 5.101 de la partie 7 des PGS de l’AIEA contiennent d’autres spécifications sur la façon de s’assurer que des dispositions appropriées sont en place pour mettre fin à l’urgence.
  • La prescription 46 de la partie 3 [4] des PGS de l’AIEA se lit comme suit : « Le gouvernement veille à ce quedes dispositions soient en place et mises en œuvre selon qu’il convient pour le passage d’une situation d’exposition d’urgence à une situation d’exposition existante. »

En fournissant une orientation pour les mesures de rétablissement canadiennes après une urgence nucléaire, ce document d’application de la réglementation vise à promouvoir l’harmonisation avec ces deux exigences de l’AIEA.

Le document REGDOC-2.10.1, Préparation et intervention relatives aux urgences nucléaires [2] établit et documente les attentes de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) en matière de préparation et d’intervention en cas d’urgence nucléaire pour les activités réglementées en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN) [5]. Ces attentes sont également harmonisées avec les exigences de l’AIEA évoquées ci-dessus.

L’expérience acquise des urgences nucléaires et radiologiques passées (que ce soit Tchernobyl, Fukushima ou GoiâniaFootnote 1) souligne la nécessité d’accorder une plus grande attention à la phase de rétablissement apres une urgence nucléaire ou radiologique.

2. Renseignements généraux

2.1 Introduction à la gestion des urgences nucléaires

Reconnaissant qu’il s’agit d’un domaine d’intérêt international croissant, l’AIEA a élaboré un guide de sûreté générale intitulé Arrangements for the Termination of a Nuclear or Radiological Emergency [6]. Le Canada a participé à l’élaboration de ce guide de portée internationale et a poursuivi le travail en élaborant le présent document réglementaire qui fournit des conseils pratiques propres au contexte canadien. D’autres pays ont élaboré leurs propres lignes directrices nationales à ce sujet, et les pratiques exemplaires tirées de ces documents [7, 8, 9 et 10] ont été intégrées au présent document réglementaire.

La gestion des urgences nucléaires comporte les activités suivantes :

  • Les mesures de prévention et d’atténuation pour assurer qu’une situation d’urgence nucléaire ne se produit pas ou pour réduire la probabilité qu'une telle situation se produise.
  • Les activités de préparation pour être en mesure de réagir et de gérer les conséquences d’une urgence nucléaire (p. ex., procédures et plans d’intervention, formation et sensibilisation, maintenance des installations d’urgence, exercices).
  • L’intervention inclus la prise de mesures de protection à l’extérieur du site et sur place pendant une situation d’urgence pour réduire l’ampleur du risque et en gérer les conséquences sur la santé, la sécurité et l’environnement. Ces mesures de protection peuvent comprendre la protection des travailleurs, le soutien des activités de gestion des accidents, la communication d'urgence avec le public, l’aide médicale d’urgence et l’hébergement sur place ou l’évacuation.

Les objectifs de l’intervention d’urgence nucléaire sont les suivants :

  • reprendre le contrôle de la situation
  • prévenir les conséquences sur les lieux ou les atténuer
  • prévenir l’apparition d’effets déterministes sur la santé des travailleurs et du public
  • prévenir, dans la mesure du possible, l’apparition d’effets stochastiques sur la santé de la population
  • prévenir, dans la mesure du possible, l’apparition d’effets non radiologiques sur les personnes et au sein de la population
  • prodiguer les premiers soins et gérer le traitement des blessures causées par les rayonnements
  • protéger, dans la mesure du possible, les biens et l’environnement
  • préparer, dans la mesure du possible, la reprise des activités socioéconomiques normales

Le rétablissement comprend les mesures à court et à long terme prises sur place et à l’extérieur du site afin de remettre les communautés touchées par l’urgence nucléaire à un niveau acceptable. Le niveau de restauration serait habituellement déterminé par les autorités responsables en consultation avec les parties intéressées touchées par l’urgence nucléaire.

En ce qui a trait à certaines activités et infrastructures essentielles (comme les hôpitaux), il sera nécessaire que les mesures de rétablissement soient prises le plus rapidement possible à la suite de l’urgence nucléaire, malgré le fait que de nombreux organismes pourraient demeurer en mode d’intervention en cas d’urgence. Ces mesures de rétablissement préliminaire devraient être mises en œuvre par l’intermédiaire de l’organisation responsable de la gestion des urgences nucléaires, mais elles peuvent être orientées par les concepts du présent document.

2.2 Situations d’exposition

Les recommandations sur la radioprotection proposées par la CIPR sont fondées en partie sur la définition des situations d’exposition. Les situations d’exposition sont basées sur le concept qui sous-tend que le système de protection peut être appliqué, en principe, à toute situation d’exposition au rayonnement. Des procédures semblables sont utilisées pour fixer l’étendue et le niveau des mesures de protection, peu importe la situation d’exposition. Plus précisément, les principes de justification et d’optimisation s’appliquent universellement à toutes les situations d'exposition, c'est-à-dire :

  • Le principle de justification exige que l’avantage net des mesures prises pour réduire l’exposition au rayonnement soit positif, au-delà du simple impact sur l’exposition individuelle au rayonnement.
  • Le principle d’optimisation exige que l’exposition au rayonnement soit aussi bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre (principle ALARA) en tenant compte des facteurs socioéconomiques. Cette approche permet d’appliquer le système de radioprotection à des activités réglementées, comme l’utilisation de matières radioactives dans l’industrie ou en médecine, ainsi qu’à des activités qui ne seraient pas normalement réglementées comme l’utilisation des terres où le rayonnement de fond est naturellement élevé.

La Publication 103 de la CIPR, intitulée Recommandations 2007 de la Commission internationale de protection radiologique [1], définit trois situations d’exposition :

  • Les situations d’exposition planifiée sont des situation dans laquelle l’utilisation de sources radioactives ou l’exploitation de réacteurs nucléaires est prévue
  • Les situations d’exposition d’urgence sont des situations imprévues qui peuvent se produire pendant l’exploitation d’un réacteur nucléaire ou l’utilisation de matières radioactives dans une situation planifiée et qui nécessitent des mesures urgentes pour éviter ou atténuer les conséquences indésirables.
  • Les situations d’exposition existantes sont des situations qui existent déjà lorsqu’une décision en matière de contrôle doit être prise, notamment en ce qui a trait à une situation d’exposition prolongée à la suite d’une urgence. Ces situations comprennent l’exposition au rayonnement de fond naturel, l’exposition à des matières radioactives résiduelles dérivées de pratiques antérieures qui n’ont jamais fait l’objet d’un contrôle réglementaire, et l’exposition due aux matières radioactives résiduelles dérivées d’une urgence nucléaire.

Ce document tient compte de chacune des situations d’exposition suivantes :

  • Pendant la réalisation d’activités autorisées, la situation d’exposition d’un membre du public à l’égard de ces activités est considérée comme une situation d’exposition planifiée.
  • En cas d’urgence nucléaire, un membre du public peut être exposé aux rayonnements, ce qui est considéré comme une situation d’exposition d’urgence.
  • Enfin, à la fin de la situation d’urgence nucléaire, toute exposition supplémentaire au rayonnement attribuable à une contamination environnementale résiduelle est considérée comme une situation d’exposition existante.

Remarque : L’exposition potentielle au rayonnement découlant des activités de rétablissement menées en vertu des permis délivrés au titre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN) [5] (comme l’élimination des déchets contaminés dans les installations de gestion des déchets autorisées) dépasse la portée du présent document. Toutefois, ces situations seraient considérées comme des situations d’exposition planifiées.

Dans le contexte canadien de la gestion des urgences nucléaires, il existe des règlements et des conditions de permis qui s’appliquent aux titulaires de permis de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) pour la gestion des situations d’exposition prévues et des situations d’urgence qui sont établies en vertu de la LSRN. Le Règlement sur la radioprotection [11] établit les limites de dose pour les personnes intervenant dans des situations d’exposition planifiée [5]. En cas d’urgence nucléaire, des limites de dose s’appliquent aux personnes chargées du contrôle de l’urgence et qui relèvent du titulaire de permis. Toutefois, le Règlement ne précise pas de limites de dose pour les membres du public pour les situations d’exposition d’urgence ou d’exposition existante. Afin de gérer l’exposition au rayonnement pour les membres du public et les intervenants en situation d’urgence et en situation d’exposition existante, le présent document d’orientation recommande l’application des niveaux de référence de la CIPR. Ces niveaux de référence sont fournis et expliqués à la section 4.1 et sont conformes aux recommandations formulées dans le document de Santé Canada intitulé Critères génériques et niveaux opérationnels d’intervention pour la planification et les interventions en cas d’urgence nucléaire [12].

Les outils suivants sont utilisés pour la gestion des expositions aux rayonnements pour les trois situations d’exposition:

  • Situations d’exposition prévues : Limites de dose réglementaires du Règlement sur la radioprotection (appliquées à toute personne)
  • Situations d’exposition d’urgence : Limites de dose réglementaires du Règlement sur la radioprotection, et limites de dose aux travailleurs indiquées dans les plans provinciaux d’intervention d’urgence (appliquées à toute personne participant au contrôle d’une urgence) et niveaux de référence de la CIPR (appliquées à toutes les autres personnes)
  • Situation d’exposition existante : Niveaux de référence de la CIPR (appliqués à toute personne)

Les éléments clés pour assurer le rétablissement à la suite d’une urgence nucléaire sont décrits à la figure 1. La figure incorpore les concepts des lignes directrices internationales récemment mises à jour sur les situations d’exposition [1, 4], les dispositions relatives à la fin d’une urgence nucléaire ou radiologique [6] ainsi que les limites de dose réglementaires [11] et les niveaux de référence de dose recommandés par la CIPR pour les trois situations d’exposition [1].

Figure 1 : Exigences du cadre de rétablissement du Canada dans le contexte des lignes directrices internationales sur la gestion des urgences nucléaires

Remarques

  • La partie verte illustre le passage d’une situation exposition planifiée à une situation d’exposition d’urgence et, enfin, à une situation d’exposition existante. Les situations d’exposition s’appliquent aux membres du public relativement à la source ou à l’activité réglementée qui est impliquée dans l’urgence nucléaire.
  • La partie orange réflète le passage des phases d'urgence, de la préparation à l’intervention, puis à la transition et, enfin, à la phase de rétablissement, par rapport aux situations d'exposition représentées par la bande verte. Il est important de noter que la situation d’urgence nucléaire ne prendrait pas fin tant que les éléments nécessaires au rétablissement n’auraient pas été prévus. Ce concept est exprimé dans le document de l’AIEA intitulé GSG-11, Arrangements for the Termination of a Nuclear or Radiological Emergency [6] qui décrit comment ces arrangements doivent être mis en place pendant la phase de transition.
  • La partie en bleu représente le cadre de rétablissement. Il indique à quel moment les éléments de rétablissement devraient être pris en compte par rapport aux phases d’urgence nucléaire et aux situations d’exposition. Comme l'illustre cette figure, le rétablissement devrait être pris en compte dans toutes les phases de la planification et de la gestion des urgences nucléaires.

2.3 Rôles et responsabilités en matière d’intervention apres une urgence nucléaire au Canada

Au Canada, l’intervention apres une urgence est une responsabilité commune. Les rôles respectifs des divers ordres de gouvernement en matière de préparation et d’intervention en cas d'urgence nucléaire découlent des responsabilités imposées par la loi. Les titulaires de permis de la CCSN sont responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes de prévention, d’atténuation et de préparation en cas d’urgence nucléaire potentielle liée à leurs activités.

Pour sa part, le gouvernement fédéral réglemente l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire au Canada, gère la responsabilité nucléaire et fournit aux provinces un soutien en cas d’urgence nucléaire sur leurs territoires. Le gouvernement du Canada pourrait aussi fournir de l’aide aux gouvernements provinciaux et territoriaux à leur demande et mettre en œuvre des mesures de protection dans les domaines de compétence fédérale. Le gouvernement fédéral a également pour responsabilité d’assurer les relations avec la communauté internationale et ses missions diplomatiques au Canada, d’aider les Canadiens à l’étranger et de coordonner l’intervention du Canada en cas d’urgence nucléaire survenant en pays étranger, mais ayant des incidences au Canada.

Sécurité publique Canada est l’organisme fédéral responsable de la gestion des urgences au Canada. Dans le cadre de la Loi sur la gestion des urgences [13], Sécurité publique Canada administre le Plan fédéral d’intervention d’urgence (PFIU) [14] qui établit les processus et les mécanismes visant à faciliter une intervention intégrée du gouvernement du Canada en cas d’urgence, quelle qu’elle soit, notamment une urgence nucléaire.

Dans le cadre du PFIU, le Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire (PFUN) [15] et ses annexes décrivent le cadre national de planification et d’intervention en cas d’urgence nucléaire affectant les Canadiens. Le PFUN comprend également une annexe qui établit les responsabilités de divers ministères fédéraux ainsi que les annexes propres aux provinces énonçant les mesures requises pour appuyer les activités d’intervention de chaque province en cas d’urgence nucléaire. Santé Canada est responsable de la coordination des interventions relatives au PFUN.

Dans le PFIU et le PFUN, on reconnaît que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont pour responsabilité principale de protéger les aspects de la santé et de la sécurité publique, de la propriété et de l’environnement qui relèvent de leurs compétences. Les autorités provinciales de gestion des urgences ont pour responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre des plans détaillés afin de pouvoir faire face aux situations d’urgence nucléaire qui ont des incidences à l’extérieur des limites d’une installation nucléaire autorisée par la CCSN. Les municipalités qui pourraient subir les conséquences directes d’une urgence nucléaire sont également responsables de planifier et de mettre en œuvre les mesures qui pourraient être nécessaires.

La figure 2 illustre les responsabilités fédérales, provinciales et municipales en matière de planification des mesures d’urgence nucléaire au Canada.

Figure 2. Responsabilités établies dans le cadre canadien de gestion des urgences nucléaires

La CCSN joue deux rôles dans la gestion des urgences nucléaires. Premièrement, conformément au mandat défini dans la LSRN [5], la CCSN exerce une surveillance réglementaire des activités des titulaires de permis relativement aux urgences nucléaires. Deuxièmement, à titre d’organisme fédéral, la CCSN participe à l’intervention de l’ensemble du gouvernement en cas d’urgence nucléaire, conformément aux exigences du PFIU [14] et du PFUN [15].

La CCSN ne réglemente pas l’intervention ni le rétablissement hors site après une urgence nucléaire. Dans ce contexte, le présent document d’application de la réglementation vise à guider les autorités compétentes en matière de planification du rétablissement. Ce document peut être utilisé avec d’autres lignes directrices fédérales, telles que les Critères génériques et niveaux opérationnels d’intervention pour la planification et les interventions en cas d’urgence nucléaire [12], qui visent à aider les autorités fédérales et provinciales d’intervention d’urgence à choisir les mesures de protection appropriées pour protéger la santé publique.

3. Situation actuelle de la planification du rétablissement au Canada

Durant le rétablissement, le niveau de participation des décideurs des divers ordres de gouvernement dépendra de l’ampleur des conséquences de la situation d’urgence nucléaire et du niveau de détail du processus de rétablissement. Toutefois, à l’instar de la préparation et de l’intervention en cas d’urgence nucléaire, le rétablissement relève principalement de la province ou du territoire visé. En raison de la participation importante nécessaire des personnes et des communautés affectées au processus de rétablissement, les municipalités visées devront également jouer un rôle considérable dans le processus décisionnel. Les plans de rétablissement actuels de tous les ordres de gouvernement sont résumés aux sections 3.1 à 3.3 (remarque : l’ordre dans lequel les entités sont présentées ne reflète pas leur niveau d’autorité ou de participation). La section 3.4 présente les grandes lignes de la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire [16] qui établit un régime d’indemnisation et de responsabilité dans l’éventualité improbable d’un accident nucléaire qui entraînerait des dommages corporels et des dommages matériels.

3.1 Plans de rétablissement fédéraux

Les détails de la gestion et la coordination de la phase de rétablissement d’une urgence nucléaire ne s’inscrivent pas dans la portée du Plan fédéral d'intervention d’urgence (PFIU) [14] et du Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire (PFUN) [15]. Bien qu’il soit indiqué à la fois dans le PFIU et le PFUN que la responsabilité du rétablissement relève principalement de la compétence provinciale ou territoriale, les deux plans donnent un aperçu de la structure attendue du volet fédéral des activités de rétablissement.

Le PFIU et le PFUN citent la nécessité de mettre en place, dans le cadre de la phase de rétablissement, une structure de gestion fédérale parallèle à la phase d’urgence. Tandis que la phase d’urgence comporte des rôles et responsabilités bien documentés, les détails de la phase de rétablissement doivent être mieux établis, examinés et documentés. Ce document fournit de l’orientation sur le développement de ce plan.

3.1.1 Activités de rétablissement décrites dans le Plan fédéral d’intervention d’urgence

Aux termes du PFIU, le centre de coordination fédéral est désigné comme étant le représentant régional du gouvernement fédéral; il fait office de centre de coordination fédérale et de coordination fédérale-provinciale-territoriale lors d’une intervention. Le centre a pour objectif de planifier le programme national global d’intervention et de rétablissement.

L’annexe A du PFIU énonce les fonctions de soutien en cas d’urgence (FSU) attribuées à divers ministères fédéraux et représentant les domaines particuliers d’aide fédérale en cas d’urgence. Selon le mandat de chaque institution fédérale à qui on a assigné des FSU, chaque organisme fédéral à qui on a assigné des FSU est désigné en tant que ministère assumant une responsabilité principale ou une fonction de soutien. En plus d’autres tâches dont les détails figurent dans chaque FSU, les ministères assumant une responsabilité principale sont notamment responsables de la planification des activités d’intervention en cas d’urgence et de rétablissement des activités à court et à long terme.

Lorsque le ministère principal désigné le demande, les ministères secondaires sont responsables d’assumer leurs responsabilités distinctes. Il peut s’agir de participer à la planification des activités d’intervention en cas d’urgence et de rétablissement à court et à long terme et d’élaborer des plans opérationnels à l’appui, des procédures normalisées d’exploitation, des listes de vérification ou d’autres outils d’aide de concert avec les normes existantes des premiers intervenants.

3.1.2 Activités de rétablissement décrites dans le Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire

Le PFUN a pour but de gérer les conséquences hors site d’une urgence nucléaire. Une fois que la situation s’est stabilisée et que les interventions pour protéger la santé et la sécurité publique ont été menées, la gestion de l’urgence nucléaire ou radiologique passe de la phase d’intervention à la phase de rétablissement. Les partenaires fédéraux travaillant dans le cadre du PFUN peuvent alors retourner à leurs activités normales. Ces partenaires fédéraux continueront de jouer un rôle réduit dans les efforts de rétablissement.

Le PFUN prévoit un processus de désescalade (retour aux rapports ordinaires), qui indique :

  • Qu’un comité de sous-ministres ou de sous-ministres adjoints, en consultation avec le Bureau du Conseil privé, approuvera la transition de l’urgence vers le rétablissement. Le comité choisi désignera aussi un ministre fédéral responsable du rétablissement ainsi qu’un coordonnateur national du rétablissement
  • Que l’agent de coordination fédéral (responsable de la coordination globale de l’intervention d’urgence fédérale) et les hauts fonctionnaires du PFUN responsables de l’urgence transféreront la gestion de l’intervention au coordonnateur national du rétablissement
  • Que le coordonnateur national du rétablissement verra à recenser, coordonner et établir les priorités fédérales en matière de rétablissement sous l'égide d’une organisation nationale de soutien au rétablissement (ONSR) et à mettre en œuvre les activités fédérales de rétablissement
  • Que l’ONSR collaborera également avec les organisations de gestion du rétablissement établies par les provinces

En outre, les ministères chargés d’une responsabilité principale pourraient également faire appel aux ministères et organismes dotés de fonctions liées aux urgences nucléaires pouvant faciliter les efforts de rétablissement.

3.2 Plans de rétablissement provinciaux

L’Ontario et le Nouveau-Brunswick ont des centrales nucléaires en exploitation et plusieurs ports de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse peuvent accueillir des navires étrangers propulsés ou pouvant être propulsés à l’énergie nucléaire. Ces provinces ont donc des plans d’urgence nucléaire afin de protéger le public en cas d’urgence nucléaire.

Certains plans provinciaux actuels d’intervention en cas d’urgence nucléaire comportent de l’orientation sur les mesures de rétablissement, en particulier en ce qui a trait au déclenchement de la situation d’urgence et à la transition de l’intervention d’urgence vers le rétablissement. Les plans du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario et du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique comprennent des descriptions des mécanismes et des responsabilités relatifs à la transition vers le rétablissement (voir les sections 3.2.1 et 3.2.2).

3.2.1 Exemple de plan provincial actuel : Ontario

Selon le Plan provincial d’intervention en cas d’urgence nucléaire (PPIUN) de l’Ontario [17], le Centre provincial des opérations d’urgence (CPOU) mettra fin à la phase d’intervention au moment opportun et veillera à une transition sans heurt vers la phase de rétablissement. Au moment pertinent, le CPOU consultera les principaux participants à l’intervention en cas d’urgence à l’égard de la transition vers la phase de rétablissement et du temps nécessaire à une transition sans heurt. À la suite de ces consultations, le CPOU établira le moment où s’achèvera la phase d’intervention et en informera toutes les parties intéressées au préalable.

En Ontario, les responsabilités sont établies par le Bureau du commissaire des incendies et de gestion des situations d’urgence par l’intermédiaire du PPIUN. L’annexe I du PPIUN décrit en détail les rôles des ministères créés par décret. Lors de la transition vers le rétablissement, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario planifie et dirige le rétablissement du secteur de la santé, tel qu’il est énoncé à la section 5.13 du Plan d’intervention sanitaire en cas d’incident radiologique ou nucléaire [18].

3.2.2 Exemple de plan provincial actuel : Colombie-Britannique

Le Plan d’urgence nucléaire de la Colombie-Britannique [19] stipule que la désescalade et la transition vers le rétablissement sont coordonnées par le ministère de la Santé et comprendront :

  • l’élaboration d’un plan de gestion de rétablissement incluant la détermination des niveaux de références reliés à la dose résiduelle pour la contamination à long terme et une stratégie pour le rétablissement des activités socioéconomiques normales
  • la surveillance des zones contaminées et l’évaluation des doses potentielles au public et aux travailleurs
  • l’évaluation des risques pour la santé à moyen et à long terme
  • les activités de décontamination environnementale et d’élimination des déchets radioactifs
  • la tenue à jour des registres de doses des travailleurs d’urgence

Les décisions relatives au transfert de responsabilité des activités d’intervention d’urgence aux activités de rétablissement sont prises par les ministres des provinces et les membres du Conseil des sous-ministres.

3.3 Rôles et responsabilités des municipalités pour le rétablissement

Les municipalités ont un rôle important à jouer dans le processus décisionnel en raison de leurs contacts directs avec les personnes et les communautés affectées. Les plans municipaux de gestion en cas d’urgence devraient comprendre un volet sur la planification du rétablissement. L’orientation fournit dans ce document peut aider à établir des plans municipaux de rétablissement.

3.4 Régime de la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire

La Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire (LRIN) [16] est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 et remplace l’ancienne Loi sur la responsabilité nucléaire. La LRIN établit un régime d’indemnisation et de responsabilité dans l’éventualité improbable d’un incident nucléaire qui entraînerait des blessures corporelles et des dommages matériels.

En vertu de la LRIN, les exploitants de centrales nucléaires sont tenus de payer jusqu’à un milliard de dollars pour les dommages civils résultant d’un incident et doivent être assurés par un assureur approuvé par le ministre des Ressources naturelles du Canada.

Les dommages pour lesquels il peut y avoir indemnisation en vertu de la loi comprennent les blessures corporelles, les dommages matériels, les traumatismes psychologiques d’une personne qui a subi des blessures corporelles, les dommages environnementaux, les pertes économiques résultant des blessures corporelles ou des dommages à la propriété, les pertes de salaires et les coûts liés aux mesures préventives (tels que les frais d’évacuation). En vertu de la LRIN, la période de présentation des demandes d’indemnisation pour lésions corporelles est de 30 ans, tandis que la période de présentation des demandes d’indemnisation pour d’autres formes de dommages est de 10 ans.

4. Transition vers le rétablissement

Avant d’effectuer la transition de l’intervention d’urgence nucléaire au rétablissement, la situation devrait etre examinée afin de considérer, de comprendre et de contrôler tout rejet potentiel futur. Il est impossible d’effectuer la transition avant que la situation initiale ait tout au moins été stabilisée et qu’il ne soit plus nécessaire d’appliquer des mesures additionnelles de protection urgentes. Lorsqu’une situation passe de l’intervention au rétablissement, le processus décisionnel peut devenir plus complexe. Il faudra modifier des rôles et des responsabilités, et il est probable que d’autres organisations doivent être mises à contribution. Comme l’illustre la figure 1 (à la section 2.2), la phase de préparation aux situations d’urgence nucléaire devrait prévoir les éléments de rétablissement suivants :

  • l’établissement des organisations de gestion du rétablissement
  • la définition préalable des objectifs du rétablissement afin que les plans d’action puissent être mis en œuvre rapidement
  • la détermination des rôles et des responsabilités pour la phase de rétablissement, dans la mesure du possible
  • un mécanisme de transfert officiel des responsabilités qui prendra place au moment de la transition de la phase d’urgence vers la phase de rétablissement

La transition de la phase des interventions d’urgence (situation d’exposition d’urgence) vers la phase de rétablissement (situation d’exposition existante) est normalement caractérisée par une modification de deux éléments, soit la gestion et la stratégie. Durant la phase d’intervention, la nécessité d’agir rapidement constitue le moteur principal de ces deux éléments, lesquels sont caractérisés par des niveaux d’exposition potentiellement élevés et des décisions généralement centralisées. Durant la phase de rétablissement, les stratégies sont décentralisées davantage, sont moins caractérisées par la nécessité d’agir rapidement et sont axées sur l’amélioration des conditions de vie et la réduction de la radioexposition. Dans le contexte d’accidents graves affectant une vaste région géographique, la transition de l’intervention vers le rétablissement peut survenir à différents moments dans les zones contaminées [4].

Au fil de la transition de l’intervention vers le rétablissement apres une urgence nucléaire, les organismes de gestion d’urgence nucléaire qui étaient actifs au cours de l’urgence devraient être progressivement ou partiellement decghargés de leurs fonctions afin que les organismes en question puissent à nouveau se préparer en vue d’urgences futures. Cette approche permettra aux organisations de gestion du rétablissement de prendre en charge la coordination des activités pour faciliter le rétablissement. Par conséquent, à l’étape de la préparation, les organisations d’intervention concernées devraient prendre des dispositions pour déterminer la composition des organisations de gestion du rétablissement afin de permettre ce transfert de responsabilités.

4.1 Niveaux de référence

La CIPR définit le terme « niveau de référence » comme étant le niveau de dose ou de risque au-dessus duquel il est jugé inapproprié de permettre la survenue d’expositions, et au-dessous duquel des mesures de protection devraient être planifiées et optimisées [1]. Les niveaux de référence correspondent à une échelle ou gamme d’expositions afin d’offrir davantage de souplesse aux décideurs. Ils sont exprimés en millisieverts (mSv) et représentent les doses reçues après la mise en œuvre des mesures de protection. Le tableau 1 présente les niveaux de référence recommandés par la CIPR.

Tableau 1. Niveaux de référence de la CIPR

Intervalle des niveaux de référence (dose aiguë ou annuelle) Type de situation d’exposition
De 20 à 100 mSv Situation d’exposition d’urgence au cours de laquelle des événements dont les conséquences sont incertaines nécessitent la prise urgente de mesures de protection comme la mise à l’abri et l’évacuation afin de minimiser l’incidence d’une radioexposition possible.
De 1 à 20 mSv Situation d’exposition existante dans le cadre de laquelle la radioactivité est déjà présente dans l’environnement au moment où des mesures sont prises afin de réduire l’exposition au rayonnement. Si les doses sont optimisées en deçà de ce niveau de référence, il est sécuritaire d’habiter dans la zone contaminée.

Les doses qui s’inscrivent dans ces niveaux de référence doivent être optimisées. L’optimisation pendant le rétablissement constitue un processus itératif axé sur l’avenir et visant à réduire la possibilité que surviennent d’autres incidents de radioexposition. L’optimisation est un état d’esprit selon lequel les personnes cherchent constamment à déterminer si tout a été mis en œuvre pour prévenir de tels incidents dans les conditions actuelles. Puisque le processus de rétablissement est axé sur la communauté, toutes les décisions clés doivent être centrées sur la participation des parties intéressées et tenir compte des facteurs techniques et socioéconomiques.

4.2 Retour à une nouvelle normalité

On reconnaît qu'après une urgence nucléaire, les zones touchées pourraient ne pas pouvoir revenir à leur état initial et qu'il faudra alors établir une « nouvelle normalité ». La nouvelle normalité peut consister à vivre dans une situation d’exposition existante, où des mesures de protection peuvent avoir été mises en œuvre pour réduire l’exposition au rayonnement.

La décision d’autoriser ou non les individus à vivre dans la zone touchée dépendra, en partie, de la possibilité d’atteindre le niveau de référence souhaité et de la capacité de mettre en œuvre une stratégie de protection, au besoin. La stratégie de protection a pour but de créer la meilleure situation en optimisant les éléments positifs par rapport aux éléments négatifs.

Il est tout aussi important de tenir compte des aspects psychosociaux lorsqu’on prend des décisions sur le retour d’une population à une nouvelle normalité. Il ne faudrait pas prendre en compte uniquement la dose prévue en fonction du niveau de référence, mais également tenir compte du moment approprié pour le retour de la population. Par exemple, l’Enquête sur la gestion de la santé de FukushimaFootnote 2 a démontré que certains évacués n’ont pas voulu retourner chez eux parce qu’ils se préoccupaient davantage du peu d’accès aux services médicaux, du retour improbable d’installations commerciales et des dommages considérables causés à leurs anciennes maisons et non aux inquietudes à propos des risques radiologiques. La décision de retourner devrait donc incomber à l’organisme responsable de la gestion du rétablissement, en consultation avec les communautés touchées.

Il est possible de créer cette nouvelle normalité en faisant ce qui suit :

  • établir de nouvelles habitudes, par exemple en prenant des mesures d’autoassistance, qui permettent de reprendre le cours de sa vie tout en atténuant le plus possible les répercussions
  • vivre dans une zone comportant un niveau d’exposition supérieur aux conditions qui prévalaient avant l’urgence, mais toujours sécuritaire pour la santé des personnes
  • établir la communication avec les citoyens et les communautés et les mobiliser
  • réévaluer régulièrement le niveau de référence tout au long du rétablissement à mesure que la situation d’exposition évolue

On peut parfois décider d'abandonner complètement des zones contaminées et à réinstaller les citoyens et les communautés touchées dans des régions n’ayant pas été directement visées par l’urgence nucléaire sur le plan radiologique. Dans ce cas, bon nombre des activités décrites dans le reste de la section 4.2 ne s’appliqueraient pas. Il est important de noter qu’il est fort probable que l’urgence nucléaire et la réinstallation entraînent des répercussions psychologiques et sociales, même en l'absence d'effet radiologique. Les décisions en matière de réinstallation ne devraient être prises qu’après de vastes consultations et la mobilisation des parties intéressées.

4.2.1 Aspects psychosociaux

Les effets psychosociaux désignent les répercussions psychologiques et sociales que subissent les personnes touchées par une urgence. Ils peuvent inclure la peur, l’anxiété, un sentiment de perte de contrôle, la dépression et un sentiment de désespoir et de détresse [20]. Ces effets résultent de conditions sociales et peuvent nuire à la santé mentale tout en ayant des conséquences comportementales, émotionnelles et physiologiques. Les effets psychosociaux peuvent être observés au niveau de la communauté, sur une base individuelle, ou les deux.

À la suite d’accidents nucléaires d’envergure comme ceux de Tchernobyl et de Fukushima, les principaux effets sur la santé observés étaient de nature psychosociale [21, 22]. Compte tenu des leçons apprises, il est essentiel de tenir compte des enjeux psychosociaux au moment de prendre des décisions sur les mesures de protection pendant la phase de rétablissement.

L’accident de Tchernobyl n’a pas été annoncé en temps opportun par le gouvernement de l’ancienne République ukrainienne de l’Union soviétique, et la peur et l’anxiété qui en ont découlé ont été exacerbées par une perte de confiance. Les effets psychologiques observés à la suite de Tchernobyl sont semblables à ceux constatés à la suite des attaques à la bombe atomique et d’autres accidents nucléaires. Cependant, les conclusions relatives à Tchernobyl sont difficiles à interpréter et peuvent être uniques par rapport à tout autre catastrophe nucléaire étant donné que l’information sur la dispersion n’a été disponible que bien des années après l’accident [21].

La combinaison en mars 2011 du tremblement de terre, du tsunami et de l’accident nucléaire à la centrale nucléaire de la TEPCO à Fukushima Daïchii a eu des effets psychologiques sur la population touchée, notamment la dépression et les symptômes de stress post-traumatique [23, 24]. Ces effets sont communs à la plupart des catastrophes et ne peuvent être attribués uniquement à la radioexposition [25]. Le grave impact de la perte de vies et de la disparition d’êtres aimés en raison du tremblement de terre et du tsunami, en plus d’autres conditions comme une évacuation, une relocalisation, des pertes matérielles et financières, ainsi que la peur et l’incertitude à l’égard de l’exposition aux rayonnements et à leurs conséquences possibles contribuent tous à une détresse mentale accrue [26]. Il convient de noter qu’il y a eu une augmentation documentée de la mortalité chez les personnes âgées institutionnalisées au cours de la première année suivant l’évacuation. Cet aspect a été largement cité comme exemple des préjudices que peuvent causer les décisions axées surtout sur des préoccupations radiologiques et qui ne tiennent pas compte des risques non radiologiques [27]. Le gouvernement japonais a institué l’Enquête sur la gestion de la santé de Fukushima afin de surveiller la santé à long terme des résidents de la région et de déterminer si l’exposition à de faibles doses de rayonnement à long terme découlant de la catastrophe de Fukushima a eu une incidence sur leur santé. Les études réalisées dans le cadre de cette enquête ont fait ressortir la nécessité d’effectuer davantage d’études d’observation régulières à longue échéance pour comprendre les répercussions durables de l’accident nucléaire de Fukushima sur la santé mentale.

L’Organisation mondiale de la Santé [26] a indiqué que les effets psychosociaux des accidents nucléaires ou radiologiques peuvent être exacerbés pour plusieurs raisons, notamment :

  • la peur de l’inconnu, car le rayonnement est invisible et ne peut être ressenti
  • l’utilisation d’un langage complexe pour expliquer l'ampleur de l’exposition et ses effets éventuels
  • le degré élevé d’incertitude associé à certains accidents
  • les effets psychosociaux sur les citoyens dans une zone géographique au-delà de la zone effectivement touchée par la dispersion radiologique
  • une combinaison de certains ou de tous les facteurs qui précèdent pouvant entraîner chez les résidents des régions touchées un sentiment de stigmatisation sociale

4.2.2 Atténuation des effets psychosociaux

La présente section propose des pratiques exemplaires en matière de conception et de mise en œuvre de plans de rétablissement en cas d’urgence nucléaire. Les pratiques exemplaires recommandées reposent sur les éléments clés d’atténuation des effets psychosociaux, qui suivent.

  • Maintenir des voies de communication ouvertes : La gravité et la durée des effets psychosociaux sont probablement liées à la façon dont la communauté perçoit l’incident. La diffusion, le choix du moment de la diffusion et la qualité de l’information sur la dose de rayonnement rejetée à la suite de la situation d’urgence nucléaire, ainsi que les mesures de protection d’urgence prises par le titulaire de permis et les organismes de réglementation lors de la phase de rétablissement subséquente devraient atténuer l’incertitude et les préoccupations de la communauté. De plus, le maintien de voies de communication ouvertes au sein des unités familiales touchées par l’urgence nucléaire atténuera grandement les conflits et l’incertitude dans les communautés visées [28].
  • Donner accès à des ressources éducatives : Une vaste enquête de dépistage thyroïdien a été entreprise à Fukushima afin d’évaluer la hausse possible des risques de cancer de la thyroïde chez les enfants exposés à l’iode radioactif. L’enquête de dépistage a été menée avec peu d’information sur l’objet de l’enquête et, dans certains cas, sans le consentement des participants. Cette situation a alarmé les participants qui, en fin de compte, n’ont pas vraiment saisi la signification des résultats. Une campagne d’information et de sensibilisation associée à l’enquête aurait pu atténuer en grande partie la détresse que cette étude a causée. Une étude des problèmes psychologiques causés par les examens de la thyroïde effectués à Fukushima et à Tchernobyl a mis en évidence le fait que les décisions en matière de santé communautaire, la communication sur les problèmes de santé et les programmes de surveillance peuvent contribuer aux préoccupations de la population à l’égard des risques pour la santé [29]. Lorsque les décisions sont prises au sujet des mesures de protection d’urgence et de rétablissement, y compris la planification des soins de santé mentale, il faudrait tenir compte de cette information.
  • Offrir de la formation : D’après l’expérience acquise ou les leçons tirées d’accidents nucléaires, il faut établir des centres de soutien public pour les populations touchées. Les médecins, les infirmières, les pharmaciens, les psychologues, les spécialistes des universités et des associations publiques et d’autres personnes de la communauté, qui occupent des postes de confiance et qui ont le respect de la communauté, devraient avoir une place en bonne et due forme dans ces centres de soutien public. Les travailleurs et les bénévoles des centres devraient recevoir de l’information qui met les risques pour la santé en perspective, ainsi qu'une formation adéquate sur la façon d'entretenir des communications efficaces au sujet de ces risques, afin de pouvoir conseiller la population convenablement [6].
  • Assurer l’autonomie de la population : Les décisions ayant trait à des questions comme la prise et la levée de mesures de protection ou la modification de l’état de celles-ci devraient être prises en fonction de la communauté [30, 31, 32, 33, 34] et surtout des conséquences de ces décisions, qui doivent faire plus de bien que de mal [35]. La population devrait également avoir accès à des outils, tels que des dosimètres et des moniteurs de contamination, ainsi qu’à de la formation, afin d'encourager les mesures d’autoassistance et donc l'autonomie de la collectivité (voir la section 4.5.3 pour plus de détails).
  • Réduire le plus possible la durée de l’évacuation temporaire : L’expérience a démontré que les effets psychosociaux sont moindres lorsque les résidents de la communauté sont autorisés à rentrer chez eux le plus tôt possible après une évacuation temporaire. Il faut donc prendre une décision conciliante quant au moment où les résidents pourront regagner leur domicile. En effet, il ne faut pas se limiter à tenir compte des doses prévues, sans accorder d’importance aux effets psychosociaux possibles.

5. Pratiques exemplaires relatives aux principaux éléments du rétablissement

La présente section décrit les principaux éléments du rétablissement qui sont établis en fonction d’études de référence, de conseils et de leçons apprises à l’échelle internationale à partir de l’expérience vécue par les populations touchées par des incidents nucléaires (p. ex., Tchernobyl et Fukushima) et radiologiques (p. ex., Goiânia).

5.1 Mise en œuvre de stratégies de protection pendant le rétablissement

La stratégie de protection pendant le rétablissement vise en général à faire en sorte que l’exposition radiologique respecte les niveaux de référence et les critères sélectionnés pour chaque intervalle des niveaux de référence, tout en tenant compte des effets psychologiques de toute mesure de protection.

De nombreux éléments peuvent influer sur la stratégie de protection, y compris le moment, les ressources, les possibilités relatives à la gestion des déchets ainsi que les aspects sociaux et éthiques. Il faudrait solliciter les perspectives des parties intéressées pendant l’élaboration de la stratégie de protection.

Des mesures de prévention et de protection en cas d’urgence pourraient avoir été mises en œuvre au cours de la situation d’urgence en vue de réduire la radioexposition potentielle, notamment l’ingestion d’iodure de potassium (KI), la mise à l’abri, l’évacuation et peut-être même la réinstallation temporaire. Les mesures de protection prises pour contrôler ou réduire les effets continus d’une situation d’urgence devront être évaluées et adaptées pendant et après la période de rétablissement. Au fil du temps, toutes les mesures appliquées pendant la situation d’urgence nucléaire devraient être examinées régulièrement afin de déterminer si des modifications s’imposent. À l’étape de l’intervention en cas d’urgence, un examen des mesures de protection devrait être effectué, mais un tel examen doit également être envisagé pendant la phase de rétablissement, selon la durée en cause. Dans certains cas, il faudra probablement mettre fin à certaines mesures, comme les restrictions d’accès, ou les modifier au cours de la période de rétablissement. Par contre, d’autres mesures, comme les restrictions appliquées aux denrées alimentaires locales, au lait et à l’eau potable, ou le renforcement d’ouvrages de protection ou de structures de rétention, pourraient être modifiées ou adaptées. Les plans d’intervention en cas d’urgence nucléaire de divers ordres de gouvernement contiennent des directives concernant la levée des mesures de protection mises en œuvre à la phase d’urgence [14, 17, 36].

De nouvelles mesures de protection pourraient être nécessaires pendant la phase de rétablissement pour maintenir les doses en dessous du niveau de référence souhaité. Même si les doses sont inférieures au niveau de référence, il faudrait envisager de poursuivre ces mesures de protection si les doses peuvent être réduites encore davantage. Le principe d’optimisation [37] doit orienter la décision, qui devrait tenir compte de manière équilibrée de la réduction de doses potentielle, des effets psychosociaux et des coûts associés au maintien des mesures.

En général, deux types de mesures de protection peuvent être prises pendant la phase de rétablissement :

  • les mesures de protection en période de rétablissement : les mesures mises en œuvre et supervisées par les organismes responsables de la gestion du rétablissement, qui ne peuvent généralement pas être appliquées par des personnes individuelles, ou les mesures prises par l’ensemble de la population pour réduire la radioexposition (abordées plus en détail à la section 5.1.1)
  • les mesures d’autoassistance prises par les personnes : il s’agit de mesures volontaires prises par les citoyens en vue de gérer leur propre situation d’exposition, en particulier leur niveau de radioexposition interne et externe (abordées plus en détail à la section 5.1.2)

Les responsabilités relatives à la mise en œuvre de la stratégie de protection pendant le rétablissement devraient être établies ou prises en compte à l’étape de la préparation. Les décisions à cet égard devraient être prises de concert avec les organismes d’intervention pertinents et les personnes et collectivités potentiellement visées. Les plans détaillés devront dépendre des conditions particulières de l’urgence nucléaire et, par conséquent, ne devraient être établis que lorsqu’une urgence nucléaire survient, soit avant celle-ci ou pendant le rétablissement.

Voici un sommaire des principales tâches que comprend une stratégie de protection pendant le rétablissement, à savoir :

  • examiner les mesures de protection qui ont été mises en place durant l’intervention afin de déterminer si elles doivent être modifiées ou s’il faut y mettre fin
  • évaluer les doses reçues par les membres du public durant l’intervention et déterminer les mesures de suivi nécessaires, le cas échéant
  • évaluer la situation d’exposition existante par une surveillance environnementale et la modélisation des voies d’exposition (au besoin) et établir le pronostic quant à son évolution en fonction des résultats de l’évaluation
  • réévaluer régulièrement la situation d’exposition tout au long de la phase de rétablissement
  • définir les mesures de protection adéquates et les mettre en œuvre en fonction des résultats de l’évaluation de la situation d’exposition et d’une comparaison avec les niveaux de référence choisis
  • réévaluer la pertinence et l’efficacité des mesures de protection parallèlement à la réévaluation de la situation d’exposition et mettre en œuvre des activités visant à réduire concrètement la radioactivité dans l’environnement (par exemple, décontamination, caractérisation et quantification des déchets radioactifs, et gestion des déchets)
  • gérer les doses reçues par les travailleurs qui ont participé à la mise en œuvre des mesures de protection et des activités de nettoyage pendant le rétablissement

5.1.1 Mesures de protection de la phase de rétablissement prises par les organismes de gestion du rétablissement

Les organismes responsables de la gestion du rétablissement sont principalement chargés de caractériser l’exposition des populations visées. Ils doivent notamment cerner les principales voies d’exposition, estimer les doses et déterminer les mesures de protection qui pourraient permettre d’optimiser les doses pour les populations visées.

Les mesures de protection types qui pourraient être prises par les organismes responsables de la gestion du rétablissement sont notamment les suivantes [38] :

  • décider si les personnes peuvent vivre ou non dans les zones contaminées
  • nettoyer les bâtiments, les parcs et les autres aires publiques
  • assainir le sol et la végétation
  • imposer des restrictions sur la consommation de denrées alimentaires et distribuer des denrées non contaminées
  • offrir des programmes d’éducation et de sensibilisation, y compris des programmes pour les enfants
  • donner des instructions et fournir du matériel pour faciliter les mesures d’autoassistance (p. ex., pour les mesures de doses)

Les mesures de protection mises en œuvre par les organismes responsables de la gestion du rétablissement peuvent être de nature institutionnelle ou technique [7] :

  • une mesure institutionnelle consisterait par exemple à imposer des restrictions sur l’ingestion de denrées alimentaires locales afin d’éviter l’ingestion de radionucléides
  • une mesure technique consisterait par exemple à ajouter une couche non amovible de revêtement ou de ciment par-dessus les routes et les trottoirs contaminés par des radionucléides émetteurs de rayonnement gamma

Les organismes responsables de la gestion du rétablissement devraient déterminer et, dans la mesure du possible, délimiter le plus tôt possible le périmètre d’une zone contaminée, puis réévaluer et modifier ce périmètre tout au long de la phase de rétablissement. Cette délimitation du périmètre favorisera la mise en œuvre des mesures de protection, comme les restrictions applicables aux denrées alimentaires, et facilitera la communication avec la population locale [8]. La délimitation de la zone contaminée résultera au maintien d’un bon équilibre entre l’imposition d’un nombre excessif de contraintes (ce qui pourrait entraîner une remise en état non nécessaire et un étiquetage inapproprié de la zone comme étant non sécuritaire) et le risque de ne pas mettre en place une protection suffisante ou de ne pas répondre aux préoccupations des parties intéressées [9].

5.1.2 Mesures d’autoassistance

Les mesures d’autoassistance sont prises par les citoyens en vue de gérer leur propre situation d’exposition, en particulier leur niveau de radioexposition interne et externe, notamment en surveillant leur situation d’exposition et en adaptant volontairement leur style de vie en conséquence, de la façon qu’ils jugent appropriée.

L’expérience a démontré que la participation directe des citoyens, des communautés et des professionnels locaux dans la gestion d’une situation d’urgence facilitent le processus de rétablissement en habilitant ceux qui sont touchés. Lorsque les organismes responsables de la gestion du rétablissement aident les citoyens à définir et à exécuter leurs propres stratégies de protection, non seulement l’exposition est-elle moindre, mais les effets psychosociaux néfastes sont aussi atténués [7, 37]. La CIPR a récemment reconnu la nécessité d’habiliter les communautés et les citoyens à prendre leurs propres décisions quant à l’application des mesures de radioprotection et de surveillance au cours du rétablissement. Une initiative de la CIPR, appelée Dialogues de Fukushima, a mis ce concept en pratique grâce à une série d’échanges avec les citoyens des régions touchées, les gouvernements locaux et les experts internationaux, ce qui a permis à toutes les parties de partager leurs points de vue. La structure de ces réunions, les sujets abordés et les résultats ont été documentés par la CIPR et constituent un modèle d’autonomisation de la communauté qui peut être utilisé pour tout exercice de rétablissement futur [38].

Afin d’assurer la mise en œuvre réussie des mesures d’autoassistance, les autorités doivent offrir des programmes d’éducation et d’information efficaces. Dans la plupart des cas, les citoyens devront recevoir une formation sur les mesures à prendre, et l’infrastructure nécessaire pour les aider devra être mise en place (p. ex., matériel d’orientation et disponibilité de l’équipement). La population devrait recevoir l’information appropriée qui leur permettra de prendre des décisions éclairées. Les autorités devraient également créer des occasions pour que les citoyens visés puissent échanger les leçons apprises et communiquer avec les spécialistes pertinents (p. ex., santé, radioprotection, autorités agricoles). Les centres d’information publics sont l’endroit idéal pour offrir de la formation et de l’information sur les mesures d’autoassistance, pour offrir une tribune de discussion et pour servir de lieux où peut se faire la surveillance (p. ex., pour mettre à la disposition de la population des équipements de surveillance permettant de vérifier les denrées alimentaires).

L’un des défis associés aux mesures d’autoassistance est d’établir l’équilibre entre le fardeau imposé aux citoyens (c’est-à-dire, la surveillance constante de la nourriture qu’ils consomment et des lieux qu’ils visitent) et les avantages de les habiliter à améliorer leur situation d’exposition collective. Comme pour toutes les décisions prises au cours de la phase de rétablissement, une approche équilibrée tenant compte du principe d’optimisation, des conséquences économiques et des considérations psychosociales devrait être adoptée et faire appel à la participation des parties intéressées.

Voici des exemples de mesures d’autoassistance :

  • surveiller les débits de dose ambiante dans les zones habitées et les lieux de travail pour déterminer les zones où les débits sont plus élevés et adapter l’occupation de ces endroits en conséquence, dans la mesure du possible
  • mesurer la présence de contaminants dans les denrées alimentaires et modifier les habitudes alimentaires
  • surveiller les doses individuelles au moyen de dosimètres personnels afin d’offrir des renseignements supplémentaires sur les possibilités de réduire l’exposition en fonction des habitudes quotidiennes

5.2 Surveillance de l’environnement et de la chaîne alimentaire

La situation radiologique évoluera tout au long de la phase du rétablissement, notamment en raison de la désintégration radiologique, des processus physiques et chimiques qui affectent la distribution des radionucléides dans l’environnement, des activités humaines qui concentrent ou diluent la contamination dans l’environnement ainsi que de la modification des mesures de protection [37]. Un programme de surveillance de l’environnement adapté aux circonstances et suffisamment souple pour tenir compte de l’évolution des conditions devrait être établi. Bien que les systèmes de surveillance environnementale établis pour la phase d’intervention en cas d’urgence seraient vraisemblablement récupérés pour la phase de rétablissement, il est possible qu’il soit nécessaire de renforcer ou de modifier les exigences actuelles en matière de surveillance afin, par exemple, d’y inclure la surveillance des infrastructures publiques comme les écoles.

Dans ce contexte, un programme de surveillance de l’environnement désigne la mesure des débits de dose externes dans l’environnement et des concentrations de radionucléides dans divers milieux (p. ex., l’air, l’eau, le sol, la végétation et les aliments) [39]. Toutes les données tirées de ces activités de surveillance devraient être rendues publiques et expliquées de manière à être facilement comprises par le public [8].

Divers programmes de surveillance environnementale sont déjà en place au Canada et à proximité des installations nucléaires, par exemple :

  • Santé Canada dispose d’un programme de surveillance de la radioactivité depuis 1959 et exploite trois réseaux radiologiques distincts comptant plus d’une centaine de postes de détection et de surveillance situés un à travers le Canada, soit dans tous les grands centres urbains ainsi qu’à proximité des centrales nucléaires et des ports accueillant des navires étrangers à propulsion nucléaire.
  • Toutes les centrales nucléaires canadiennes sont dotées de programmes de surveillance de l’environnement visant les zones à proximité de leurs installations, conformément aux conditions de leur permis d’exploitation.
  • Au moyen d’échantillonnage et d’analyses indépendants, le Programme indépendant de surveillance environnementale de la CCSN s’ajoute en complément aux activités existantes et permanentes menées par les titulaires de permis pour vérifier la protection de la santé publique et de l’environnement à proximité des installations nucléaires.
  • Le ministère de la Défense nationale est doté d’un système de surveillance des ports accueillant des navires étrangers à capacité nucléaire ou à propulsion nucléaire.
  • Le Programme ontarien de surveillance des réacteurs nucléaires exploite et maintient un réseau de surveillance radiologique permettant d’évaluer les concentrations radiologiques à proximité de grandes installations nucléaires désignées et de sites choisis pour la mesure du rayonnement de fond dans la province. Le programme comprend la surveillance continue de l’air et de sources d’eau potable près d’installations nucléaires et est complété au moyen de campagnes de surveillance des précipitations, du lait, des eaux de surface à usage récréatif et des denrées alimentaires.
  • Le Programme ontarien de surveillance de l’eau potable fournit de l’information sur la qualité des sources des usines d’approvisionnement en eau potable de certaines municipalités aux fins d’activités scientifiques et de recherche par l’intermédiaire de la surveillance d’analytes, comme les matières organiques et inorganiques et les paramètres radiologiques (c. à-d., tritium, rayonnement alpha brut et rayonnement bêta brut).

La surveillance de l’environnement pendant le rétablissement vise notamment à :

  • cerner les zones dans lesquelles une surveillance radiologique approfondie est nécessaire
  • cerner les zones dans lesquelles des mesures correctives sont justifiées sur le plan radiologique
  • fournir de l’information en vue d’estimer les doses, réelles ou prévues, reçues par le public
  • déceler les changements et évaluer les tendances à long terme des niveaux de rayonnement dans l’environnement à la suite de l’urgence et des travaux de rétablissement
  • diffuser l’information au public

Le programme de surveillance de l’environnement devrait être fondé sur les radionucléides visés, la composition physique et chimique de la contamination radioactive, le média dans lequel se trouvent les radionucléides et les pratiques liées à l’utilisation du sol et de l’eau. Les endroits où sont pris les mesures et les échantillons devraient être choisis en fonction du site de manière à évaluer les doses de rayonnement les plus élevées [39].

Dans le cadre de l’établissement d’un programme de surveillance de l’environnement, les ressources disponibles pour assurer la surveillance devraient être déterminées, notamment ce qui suit :

  • les organisations, les organismes experts, les laboratoires locaux et nationaux, les établissements privés, les universités et les centres de recherche chargés de la mise en œuvre de la stratégie de surveillance
  • les ressources humaines et les capacités techniques (y compris les équipements de surveillance et les outils d’évaluation de dose)
  • les organisations chargées de mettre en œuvre la stratégie de surveillance
  • les mécanismes permettant d’assurer la comparabilité et l’uniformité des mesures entre organisations ainsi que les mécanismes permettant l’interprétation de ces mesures, notamment grâce à des activités de formation, de gestion de la qualité et d’intercomparaison
  • une organisation désignée comme responsable de la validation, de la consignation et du contrôle des résultats et des évaluations
  • un mécanisme intégrant les résultats et les évaluations des activités de la surveillance au processus décisionnel

Pendant la phase de transition, la stratégie de surveillance peut être soutenue par des outils d’aide à la décision, par exemple des modèles. Les modèles peuvent aider à modifier les priorités en matière de surveillance afin que les ressources et capacités (habituellement limitées) soient utilisées de façon efficace et efficiente. Toutes les parties concernées devraient être mises au courant de l’objectif rattaché à l’utilisation de ces outils, ainsi que leurs limitations, et ces précisions devraient être documentées dans la stratégie de surveillance. Les décisions fondées seulement sur les modèles devraientt être considérées comme provisoires jusqu’à ce que les valeurs puissent être mesurées dans les zones potentiellement touchées [6].

Si l’urgence affecte l’approvisionnement alimentaire, il devient particulièrement important d’inclure les denrées alimentaires dans le programme de surveillance. Le programme de surveillance devrait être suffisamment rigoureux pour assurer la conformité à toute restriction imposée, y compris les critères existants de restriction des aliments contaminés immédiatement après une urgence nucléaire. Aux fins de référence, veuillez consulter les niveaux opérationnels d’intervention établis dans le document Critères génériques et niveaux opérationnels d’intervention pour la planification et les interventions en cas d’urgence nucléaire [12] et dans les plans d’intervention en cas d’urgence du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario [17, 18]. Des critères additionnels devraient être établis afin de gérer la contamination à long terme de l’approvisionnement alimentaire par des radionucléides à période longue [9] et pour la consommation d’aliments prélevés dans la nature qui ne font pas partie de la chaîne d’approvisionnement commerciale.

En vertu de la Loi sur les aliments et drogues [40], le gouvernement du Canada est le principal responsable de la salubrité de tous les aliments, importés ou non, en vente au Canada. Santé Canada a pour mandat d’établir des normes de salubrité et de qualité nutritionnelle pour tous les aliments vendus au Canada. À partir du moment où les produits alimentaires ont quitté la zone touchée, ou si l’aliment est importé en provenance d’une région touchée à l’étranger, l’Agence canadienne d’inspection des aliments est chargée de faire appliquer les normes de salubrité des aliments et les lignes directrices établies par Santé Canada; les mesures d’application pourraient inclure la prise de mesures réglementaires telles que les rappels de produits. Le gouvernement fédéral peut également fournir un soutien aux provinces, aux territoires et aux municipalités dans leurs mesures liées à la salubrité des aliments [12].

Les critères établis par la Commission du Codex Alimentarius pourraient également devoir être pris en compte dans la surveillance des denrées et des produits alimentaires aux fins de commerce international [41].

5.3 Voies d’exposition et évaluation des doses

Les voies d’exposition sont les voies que le rayonnement et les matières radioactives peuvent emprunter pour atteindre une personne et lui faire subir de la radioexposition. Dans la planification des activités de rétablissement après une urgence nucléaire, on utilise les voies d’exposition pour évaluer le potentiel d’exposition de la population dans les environs.

Il faut tenir compte des voies d’exposition pour évaluer les doses qui pourraient avoir une incidence sur le processus de rétablissement. Les évaluations de doses effectuées dans le but de préparer la transition au rétablissement éclaireront les mesures de protection de la phase de rétablissement imposées pour la transition. Cependant, les évaluations de doses devraient être mises à jour et précisées au fil du temps, car les activités de rétablissement influeront sur les voies d’exposition. Ce processus itératif d’évaluation des doses déterminera l’optimisation de la stratégie de rétablissement.

Voici quelques exemples de facteurs qui pourraient avoir une incidence sur l’évaluation de la dose :

  • l’imposition ou la levée de restrictions sur les aliments
  • la désintégration radioactive
  • l’achèvement des activités de décontamination ou d’assainissement
  • le filtrage des radioisotopes grâce à des phénomènes environnementaux (lixiviation, migration, etc.)

Les considérations relatives à la phase de rétablissement d’une urgence nucléaire seront vraisemblablement différentes de celles liées à la phase d’intervention. Par exemple, des rejets considérables dans l’air provenant d’un incident dans une centrale nucléaire ne devraient plus survenir à la phase de rétablissement; par conséquent, l’exposition aux radionucléides d’un panache rejeté dans l’atmosphère (c’est-à-dire, le rayonnement de nuage) pourrait ne plus constituer une voie d’exposition dominante. Les voies d’exposition restantes qui pourraient être prises en compte à la phase de rétablissement comprennent notamment les suivantes, mais ne s’y limitent pas :

  • exposition externe résultant des radionucléides déposés sur le sol (c’est-à-dire le rayonnement de sol) et en surface (p. ex. sur les toitures)
  • exposition interne résultant de l’inhalation de radionucléides remis en suspension
  • exposition interne résultant de l’ingestion d’aliments et d’eau potable contaminée

En ce qui a trait à l’examen des voies d’exposition, la tendance du dépôt des matières radioactives sera vraisemblablement complexe, et l’exposition résultante des personnes pourrait varier considérablement à l’intérieur d’une zone particulière. Les voies d’exposition dépendront des circonstances, comme les types d’utilisation des terres et les habitudes des personnes et des collectivités directement exposées. Par conséquent, des voies additionnelles devront être prises en compte, le cas échéant. Par exemple, l’ingestion de terre par les enfants pourrait devoir être prise en compte dans les restrictions d’utilisation des terres en tant que parcs.

Au fur et à mesure que l’on s’approche du rétablissement, des évaluations de doses préliminaires devraient être réalisées en mettant l’accent sur les doses qui pourraient être reçues à l’avenir (c’est-à-dire, dans la situation d’exposition existante). L’éventail des expositions sera vraisemblablement vaste. Par conséquent, au fil de la collecte d’information, l’évaluation des doses individuelles devrait devenir de plus en plus précise.

Les résultats des évaluations de doses devraient servir à faciliter le choix initial de la valeur du niveau de référence ainsi qu’à évaluer les possibilités de mise en œuvre des programmes de rétablissement et à évaluer ces programmes. Les processus d’évaluation des doses et d’évaluation du programme de rétablissement devraient être itératifs.

La modélisation dosimétrique et la prise de mesures individuelles devront peut-être se poursuivre longtemps à la suite d’une urgence nucléaire; toutefois, la participation aux programmes de contrôle et de surveillance devrait être volontaire par souci de l’autonomie et de la dignité des populations exposées [42]. Une personne pourrait choisir d’éviter les programmes de surveillance dosimétrique en raison de la stigmatisation associée aux programmes de surveillance et au manque d’autonomie décisionnelle.

5.3.1 Évaluation des doses internes

L’évaluation des doses internes entraîne l’estimation ou la prise de mesures des radionucléides qui pénètrent dans l’organisme ainsi que le calcul de la dose de rayonnement qui en résulte en fonction de l’apport de chaque radionucléide. Pour arriver à une estimation de l’incorporation de radionucléides à partir des résultats de la surveillance environnementale, on utilise des paramètres de transfert pour modéliser la façon dont les contaminants pénètrent dans l’organisme. Au Canada, les normes CSA N288.1 [43] et CSA N288.2 [44] établissent des paramètres de transfert et des taux d’incorporation qui sont utiles lors d’une évaluation des doses. Les doses internes reçues durant la phase de rétablissement à la suite de l’ingestion d’eau potable et d’aliments contaminés devraient être déterminées en fonction des données de surveillance environnementale et des taux de consommation.

En raison de la variabilité de l’exposition d’une personne à l’autre pendant la phase de rétablissement, les doses devraient être déterminées au cas par cas ou en fonction de tranches bien définies de la population. Pour ce qui est des radionucléides à période longue (p. ex., le tritium et le césium), les adultes qui mangent des aliments locaux constitueront généralement la tranche de population la plus exposée.

Par contre, en ce qui a trait aux radionucléides pour lesquels l’évaluation des doses dépend fortement de l’âge étant donné leurs propriétés métaboliques particulières (par exemple, le strontium, le radium et le polonium), les nourrissons ou les enfants constituent généralement la tranche de la population la plus exposée [39]. L’évaluation des doses devrait tenir compte des habitudes concrètes, des tendances connues et de l’étendue du dépôt de radionucléides dans l’environnement ainsi que des aliments consommés par la population visée. Par exemple, la population pourrait être divisée en plusieurs tranches selon le lieu géographique ou le mode de vie afin de faciliter la personnalisation de l’évaluation des doses. Dans certains cas, il pourrait être nécessaire ou souhaitable de mesurer directement les doses à l’aide de la dosimétrie individuelle.

Dans les régions où les habitants consomment normalement des volumes considérables de produits alimentaires locaux (par exemple, gibier, poissons d’eau douce, champignons forestiers et baies), il est important de tenir compte des taux de consommation propres à la population de la région. Si les données du programme de surveillance de l’environnement visant les aliments ne sont pas disponibles ou si elles sont insuffisantes, les concentrations de radionucléides dans les aliments peuvent être estimées à partir des données sur le dépôt dans le sol ou sur les concentrations dans l’eau au moyen des coefficients connus relatifs au transfert des radionucléides du sol ou de l’eau vers la végétation et les animaux. Pour ce qui est des zones qui sont considérablement contaminées par des radionucléides ou celles faisant l’objet de taux élevés de transfert de radionucléides du sol vers le biote, l’anthropogammamétrie (mesure de la radioactivité du corps entier) pourrait permettre de déterminer le fardeau pour le corps humain et d’évaluer les doses résultant de l’exposition interne. Les résultats des mesures individuelles devraient servir principalement à la validation des modèles appliqués aux fins d’évaluation des doses internes [39].

Au Canada, des installations spécialisées exploitées par Santé Canada et des services de dosimétrie autorisés par la CCSN permettent d’effectuer la surveillance des doses internes à l’aide de l’anthropogammamétrie, d’essais biologiques ou de mesures thyroïdiennes (pour détecter l’exposition à l’iode radioactif) et de fournir des conseils et de l’aide (y compris de la formation) au sujet de la surveillance et de l’évaluation des doses internes, au besoin.

Des programmes spéciaux de surveillance peuvent être mis en place afin de valider les modèles. La méthode la plus fiable pour valider un modèle d’ingestion est de comparer les prévisions du modèle aux évaluations de doses internes réalisées en fonction des données tirées des mesures individuelles de radionucléides dans le corps humain prises au moyen de l’anthropogammamétrie ou en analysant les concentrations de radionucléides dans l’excréta [39].

5.3.2 Évaluation des doses externes

La dose externe reçue par la population pendant la phase de rétablissement peut être estimée à partir des données de surveillance environnementale et de la dosimétrie personnelle (la CCSN délivre des permis à des services commerciaux de dosimétrie qui peuvent fournir des dosimètres externes). Il faut faire attention lorsqu’on se fie aux données de surveillance environnementale (c’est-à-dire la surveillance de l’air ambiant) pour évaluer les doses d’exposition de la population. L’expérience acquise à Fukushima montre que cette méthode peut donner lieu à une importante surestimation de la dose d’exposition d’une population. Les valeurs de dose doivent dans la mesure du possible faire l’objet d’une validation par d’autres mécanismes, comme la dosimétrie personnelle [45, 46]. Les personnes qui travaillent principalement à l’extérieur et celles qui habitent dans des maisons d’un seul étage fabriquées de matériaux légers, comme du bois, pourraient être exposées aux doses externes les plus élevées. Des entrevues pourraient être réalisées afin de préciser les estimations de temps passé dans les lieux d’habitation, de travail et de repos [39]. La mesure du débit de dose en divers endroits fréquentés, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, pourrait faciliter l’évaluation des doses externes existantes.

5.4 Surveillance de la santé

À la suite d’une urgence nucléaire, la population exposée devrait recevoir de l’information sur ses niveaux d’exposition au rayonnement (associés à la situation d’exposition d’urgence) et les risques potentiels connexes pour la santé. Elle devrait également être informée des facteurs de risque psychosociaux associés à l’urgence nucléaire.

Durant ou avant la phase de rétablissement, un programme de surveillance de la santé devrait être établi, et les ressources logistiques, scientifiques et administratives nécessaires à sa mise en œuvre devraient être déterminées [8] afin de mesurer et de suivre les effets sur la santé qui pourraient se manifester chez certaines personnes de la population exposée. Le programme de surveillance de la santé vise à s’assurer que la population exposée reçoit du soutien et un suivi médical adéquats. Pour déterminer l’ampleur de la surveillance de la santé, du soutien et du suivi médical à prévoir, il faut consulter des professionnels de la santé, obtenir l’avis des parties intéressées et tenir compte des préoccupations propres à la communauté visée.

Les doses reçues durant le rétablissement (c’est-à-dire, la situation d’exposition existante) devraient être suffisamment faibles pour qu’il ne soit pas nécessaire d’effectuer un suivi médical. Les doses susmentionnées correspondent à celles qui pourraient avoir été reçues durant la situation d’urgence.

Ce programme de surveillance de la santé devrait être axé sur ce qui suit :

  • le suivi auprès des personnes qui pourraient avoir reçu des doses ayant entraîné ou pouvant entraîner des effets déterministes considérables (par exemple, brûlures cutanées, cataractes) afin de leur prodiguer les soins médicaux appropriés
  • le contrôle des populations exposées qui pourraient courir un risque accru de cancers, afin de procéder à une détection précoce et à un diagnostic
  • le contrôle des populations exposées qui pourraient courir un risque accru de séquelles psychosociales, de manière à atténuer les problèmes psychologiques et sociaux
  • l’établissement d’un registre des personnes nécessitant un suivi à long terme sur le plan de la santé (cette liste devrait être établie avant le processus de rétablissement ou au début de celui ci)
  • la prestation de soutien médical, psychologique et psychosocial à l’intention des personnes et des populations affectées

De plus, le contrôle de la population pour le dépistage de maladies associées à la radioexposition sans justification crédible pourrait avoir des répercussions négatives sur les populations visées. Par exemple, à Fukushima, on a utilisé une technologie d’échographie pour déceler des maladies de la thyroïde qui pourrait avoir mené au diagnostic accru d’anomalies identifiées comme étant des cancers possibles de la thyroïde. La multiplication des tests médicaux pourrait avoir entraîné des conséquences psychosociales néfastes qui dépassent le risque associé à la possibilité d’un cancer de la thyroïde (dont l’évolution est lente et qui est facile à traiter).

L’expérience de Fukushima a également fait ressortir l’importance de tenir compte de l’éthique lors de la conception et de la mise en œuvre d’un programme de surveillance de la santé. L’éthique de la radioprotection est décrite dans le détail dans la version provisoire du rapport Ethical Foundations of the System of Radiological Protection [42] de la CIPR. Les valeurs éthiques fondamentales présentées dans cette publication ont été tirées du système de radioprotection actuel et elles comprennent la dignité, la bienfaisance/non-malfaisance, la justice et la prudence. Voici quelques exemples de la façon dont ces valeurs éthiques peuvent être appliquées à la surveillance de la santé :

  • dignité : respecter la dignité des particuliers en obtenant un consentement préalable
  • bienfaisance/non-malfaisance : faire plus de bien que de mal
  • justice : éviter les stigmates sociaux
  • prudence : fournir de l’information adéquate sur l’objectif de la surveillance et ses résultats

5.5 Études épidémiologiques

On pouurait également mener des études épidémiologiques auprès de la population. Ces études exigent des mesures individualisées de données sur la radioexposition ainsi que des données sur la radioexposition de certains organes. Ces données se distinguent des données sur la dose efficace qui seraient générées par les modèles d’évaluation de dose servant aux fins de protection dont il est question ci-haut. De plus, il faudra peut-être recueillir des données supplémentaires afin de permettre aux données de surveillance de la santé d’être associées à la population touchée aux fins des études épidémiologiques. Ces données comprennent :

  • la date de naissance
  • le nom au complet et le nom de jeune fille
  • le sexe
  • le numéro d’assurance sociale
  • le lieu de naissance
  • le lieu de résidence
  • les autres doses de rayonnement (pour établir un diagnostic médical, par exemple)
  • le numéro de la carte d’assurance maladie provinciale (sert à faire le lien avec les données de sondage)
  • les autres facteurs de santé ou de mode de vie qui pourraient avoir une incidence sur le taux des maladies d’intérêt

Comme le décrit un rapport du SHAMISEN Consortium [35] publié en 2017, il y a deux principales raisons de mener des études épidémiologiques, c’est-à-dire :

  • comme outil de surveillance pour évaluer de manière objective la fréquence des maladies et voir comment cette fréquence peut changer après un accident
  • pour augmenter nos connaissances sur les effets sur la santé d’un accident nucléaire sans se limiter aux effets causés par le rayonnement

Il est important que les objectifs de toute étude épidémiologique soient définis dès le départ. De plus, il faut porter attention aux limites d’une étude, notamment à la qualité des évaluations de dose individuelle et des estimations de dose individuelle, ainsi qu’aux incertitudes, aux facteurs de confusion, aux facteurs modificateurs, au biais de sélection, etc., qui y sont liés. La participation au programme de surveillance de la santé et le consentement à l’utilisation des données personnelles dans les bases de données d’études épidémiologiques devraient être volontaires par souci de reconnaissance de l’autonomie et de la dignité des populations touchées [42]. On reconnaît qu’une personne pourrait choisir d’éviter les programmes de surveillance de la santé à cause de la stigmatisation associée aux programmes de surveillance et au manque d’autonomie décisionnelle.

5.6 Gestion de la contamination

La gestion de l’environnement contaminé peut être réalisée de plusieurs façons et dépendra des conditions à la suite de l’urgence nucléaire. En général, la gestion efficace de contamination pourrait comprendre la réduction et l’isolement de la source de contamination, ainsi que des travaux de décontamination afin de réduire et de retirer le matériel potentiellement dangereux.

Toutefois, il faut également reconnaître que la décontamination ne représente qu’une partie du programme global de gestion de la contamination. Ce programme pourrait également comprendre d’autres types d’activités, comme l’obligation d’utiliser les terres ou les biens de consommation à des fins différentes et les restrictions quant à leur utilisation et à leur exportation dans d’autres zones. Certains conseils sur la façon de gérer le mieux possible la contamination peuvent être glanés de l’orientation sur le rétablissement des sites historiques ou des sites contaminés à cause des pratiques utilisées par le passé [39].

Les objectifs de la décontamination et de la gestion des déchets sont les suivants [7] :

  • permettre à une population évacuée ou relocalisée de rentrer chez elle dès que possible
  • permettre aux personnes qui habitent dans la zone de pouvoir reprendre une vie normale, dans la mesure du possible
  • favoriser la reprise des activités socioéconomiques

La gestion des zones contaminées, y compris la décontamination et la gestion des déchets, devrait débuter le plus rapidement possible au cours de la phase d’intervention d’urgence (ou durant la période menant au rétablissement). Les zones visées par la gestion de la contamination devraient être délimitées clairement comme étant des zones contaminées.

Bien qu’il soit préférable que les matières contaminées soient retirées et expédiées vers d’autres emplacements aux fins de gestion à long terme, les autorités d’intervention d’urgence peuvent décider pour des raisons pratiques d’isoler les matières contaminées sur place et d’instaurer un programme de gestion pour assurer la sécurité du site. Ces mesures de surveillance institutionnelles devront être justifiées et soutenues pendant la période de rétablissement et par la suite.

5.7 Assainissement

L’assainissement consiste en l’élimination physique de la contamination présente dans l’environnement pour que le taux de contamination revienne à un taux faible acceptable. Un processus décisionnel pour déterminer les méthodes à utiliser pour assainir l’environnement sera nécessaire. Des conseils sur la façon d’aborder ce processus décisionnel se trouvent dans certaines publications, dont celles de la CSA et l’AIEA sur la surveillance du rayonnement afin d’assurer la protection de la population [47, 48]. Si des matières radioactives ne peuvent être éliminées physiquement de l’environnement, il pourrait être approprié de choisir une autre option, par exemple les immobiliser ou les recouvrir. Cela permettra au moins d’empêcher leur remise en suspension, d’éliminer la possibilité d’exposition par inhalation et, peut-être, de restreindre l’exposition externe [10]. Les autorités responsables devront déterminer le taux de contamination considéré comme étant acceptable et les travaux d’assainissement requis avant que les travaux d’assainissement puissent commencer. Le taux de contamination acceptable devra tenir compte d’un certain nombre de facteurs socioéconomiques et devra être propre à chaque site, même au sein d’un contexte régional unique. Lorsque la situation radiologique est bien comprise, l’ordre de priorité des zones à assainir devrait être établi en fonction de leur efficacité sur le plan de la diminution des expositions individuelles. On y parvient en tenant compte des voies d’exposition potentielles, des utilisations actuelles et futures des terres, et des habitudes alimentaires [7, 8].

Les objectifs et les critères relatifs à l’assainissement devraient être établis et assortis de quantités mesurables en tenant compte des éléments suivants [7, 10] :

  • le niveau de référence choisi
  • l’efficacité prévue des mesures de décontamination potentielles
  • les zones visées (c’est-à-dire : taille, caractéristiques, emplacement par rapport à la population)
  • les utilisations prévues de la zone
  • le rayonnement de fond propre à chaque site (s’il est connu)
  • les incidences de la contamination et des mesures de décontamination potentielles sur la santé humaine et l’environnement
  • contribution des parties intéressées

La méthode employée pour décontaminer l’environnement devra être choisie en fonction de bon nombre des mêmes facteurs, notamment les suivants [7, 10] :

  • l’efficacité des mesures prises pour protéger la santé humaine et l’environnement au fil du temps
  • le rendement et les coûts des différentes technologies
  • l’efficacité des mesures d’assainissement au fil du nettoyage
  • le temps nécessaire à leur mise en œuvre
  • les incidences sur l’économie locale et régionale
  • les conditions météorologiques et la période de l’année
  • les types de surfaces à nettoyer

L’établissement des objectifs d’assainissement et l’exécution des programmes connexes devraient constituer un processus itératif. Les objectifs d’assainissement devraient être modifiés en fonction de l’expérience acquise [7].

5.8 Gestion des déchets

Les activités réalisées au cours de la phase de rétablissement, en particulier l’assainissement de l’environnement, pourraient générer un volume élevé de déchets des différents types et provenant de diverses sources. Certains de ces déchets pourraient contenir des niveaux élevés de radioactivité, particulièrement s’ils sont générés près du point d’origine de l’urgence nucléaire. En général, les déchets ne devraient être que légèrement contaminés, mais ils pourraient être générés en très grande quantité [7].

Au début de la phase d’intervention d’urgence et au cours de la transition à la phase de rétablissement, la gestion des déchets peut, s’il y a lieu, consister simplement à stocker les déchets dans une zone réservée. Des critères devront être établis afin qu’une fois les ressources disponibles, les déchets puissent être triés en fonction de la quantité de matières radioactives qu’ils contiennent et de leurs types (par exemple, solide, liquide ou biologique) selon une évaluation appropriée du risque [8, 10].

Il pourrait être possible de traiter les déchets de manière à réduire leur quantité ou à les convertir sous une forme plus propice à l’élimination. Parmi les processus pouvant servir à la réduction des déchets, notons les suivants : tri, incinération, filtrage, distillation ou solidification des liquides et traitement chimique des liquides [49].

Dans le cadre des efforts de gestion des déchets, il sera peut-être nécessaire d’envisager diverses stratégies d’élimination. En général, les méthodes d’élimination des déchets sont fondées sur les principes de l’isolation et du confinement [50].

  • L’isolation consiste à placer les déchets dans un endroit éloigné des lieux d’habitation des personnes et des collectivités et est généralement appropriée pour les déchets contaminés par des radionucléides de longue période qui ne peuvent être éliminés.
  • Le confinement se rapporte aux activités ou aux structures qui sont conçues pour empêcher le rejet des déchets radioactifs dans l’environnement. Il protège également l’environnement physique des déchets. En général, la dilution n’est pas considérée comme étant une méthode acceptable étant donné qu’elle augmente le volume des déchets radioactifs sans en réduire la quantité.

Si les volumes des déchets sont relativement petits, les installations existantes de gestion des déchets radioactifs pourraient être en mesure de les traiter. Toutefois, si les volumes sont considérables (ce qui est probable dans le cas d’un rejet plus important), la capacité de ces installations pourrait être insuffisante. Les leçons tirées de Fukushima et de Goiânia indiquent que des installations d’entreposage temporaire sont nécessaires pour avoir le temps d’établir des solutions permanentes. De nouvelles installations pourraient être construites sur le site du rejet de radionucléides, ailleurs à l’intérieur de la zone contaminée ou même dans un endroit éloigné de la zone touchée [6]. Si les déchets doivent être transportés ailleurs, il faudrait tenir compte des règles relatives au transport de matières radioactives. Tous les sites de gestion des déchets doivent faire l’objet de contrôles appropriés afin de protéger la santé du public et l’environnement contre le rayonnement. Les déchets radioactifs de haute activité devront faire l’objet de contrôles plus rigoureux que les matières radioactives légèrement contaminées [7]. Si des déchets contiennent des matières fissiles, il sera nécessaire de prendre en compte leur potentiel de criticité. Dans l’éventualité où l’on décide de gérer les déchets localement ou sur place, la décision devrait être solidement justifiée, un plan de gestion et de surveillance à long terme devra être mis en place et il faudra s’engager à maintenir les structures d’atténuation mises en place. Si les caractéristiques du matériel contaminé dépassent les limites prévues au permis de la CCSN, la situation du site par rapport à la réglementation devrafaire l’objet de discussions avec la CCSN dans le cadre des décisions à prendre pendant la phase de rétablissement.

Peu importe l’exigence potentielle d’autorisation en vertu des lois fédérales ou provinciales, toute discussion au sujet de la gestion et de l’élimination des déchets doit tenir compte du fait qu’il faut des mesures de contrôle institutionnelles à long terme pour assurer la sécurité de la population et de l’environnement pendant très longtemps [51, 52]. Il faudra tout de même prendre l’engagement de la surveiller et d’en assurer l’entretien pour les générations futures. Cette obligation s’applique bien sûr à toutes les activités industrielles, mais elle peut être oubliée ou sous-évaluée pendant la phase d’urgence ou de rétablissement. Pour respecter l’engagement à long terme (longtemps après l’urgence comme telle) de gestion des risques associés aux déchets d’assainissement, il faudra vraisemblablement employer des solutions techniques et des solutions naturelles (non techniques) pour assurer la sécurité. Les solutions non techniques, par exemple des contrôles administratifs ou des programmes d’entretien, sont considérées comme des contrôles de nature institutionnelle.

5.9 Protection des travailleurs

Pendant la phase de rétablissement, il y a trois situations distinctes dans lesquelles les travailleurs pourraient être exposés en milieu de travail à la contamination dans la zone touchée, c’est-à-dire :

  • les travailleurs qui se trouvent dans une installation autorisée dans la zone touchée pendant la phase du rétablissement (p. ex., un opérateur nucléaire dans une centrale nucléaire)
  • les travailleurs dont la tâche précise consiste à mener des travaux de rétablissement sous la direction des organisations de gestion du rétablissement et qu’on désigne « travailleurs du rétablissement » (p. ex., travailleur à qui on a confié des activités d’assainissement des sols)
  • les travailleurs exposés à cause de l’endroit où ils habitent, du lieu où ils travaillent et de la consommation d’aliments dans une zone touchée, mais à qui on n’a pas confié de tâches de rétablissement (p. ex., travailleur agricole de verger)

Des considérations distinctes s’appliquent à chacun de ces groupes de travailleurs, c’est-à-dire :

  • La protection des travailleurs de l’installation autorisée serait régie par les programmes de protection du titulaire de permis, notamment sur le plan de la sûreté conventionnelle et radiologique. L’exposition de ces personnes dans le cadre de leur travail serait considérée comme étant une situation d’exposition prévue. Les travailleurs s’affairant aux travaux de rétablissement sur place dans une centrale nucléaire seraient dans cette situation. Les limites de dose réglementée aux articles 13 et 14 du Règlement sur la radioprotection [11] s’appliqueraient à ces travailleurs pendant la phase de rétablissement, et le principe ALARA « niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, en plus de tenir compte des facteurs économiques et sociaux» sera appliqué.
  • L’exposition des « travailleurs du rétablissement » serait également considérée comme étant une situation d’exposition prévue. La protection des travailleurs qui participent à l’exécution des programmes de rétablissement sous la direction de l’organisation responsable de la gestion du rétablissement serait gérée au moyen de la mise en œuvre de programmes de protection semblables assortie d’une approche globale de tous les dangers proportionnelle aux risques. Il est attendu que la radioexposition professionnelle de ce groupe de travailleurs sera prévue, surveillée et optimisée de manière à veiller à ce qu’elle demeure inférieure aux limites prescrites et conforme au principe ALARA. Dans le cadre des programmes de sûreté, l’organisation responsable de la gestion du rétablissement fournirait de l’information, de la formation, de l’équipement de protection et la dosimétrie aux travailleurs. Les limites de dose réglementée aux articles 13 et 14 du Règlement sur la radioprotection s’appliqueraient durant le rétablissement, et le principe ALARA sera appliqué.
  • Les doses reçues par les travailleurs en raison du lieu où ils habitent ou travaillent et des aliments qu’ils consomment à l’intérieur d’une zone affectée à la suite de l’urgence ne seraient pas prises en compte dans le contexte des limites de dose professionnelle prescrites par le Règlement sur la radioprotection. Les niveaux de référence pour l’exposition existante seraient plutôt appliqués dans de telles circonstances. Le principe ALARA devrait tout de même s’appliquer à ces travailleurs. Des mesures d’autoassistance peuvent être utilisées, par exemple, pendant la journée de travail, limiter le temps passé dans les zones où les doses d’exposition sont plus élevées.

Il est également important de noter que les doses auxquelles une personne travaillant à contrôler l’urgence nucléaire sont traitées séparément de celles reçues pendant une exposition professionnelle prévue, ce qui comprend les travaux de rétablissement ou les situations d’exposition existante.

5.10 Facteurs relatifs aux communications avec le public

Tout au long de la phase de rétablissement, il est nécessaire de maintenir des niveaux de communication accrus afin de gérer les incertitudes et le concept de nouvelle normalité, ainsi que le changement de priorité qui s’opère après la phase d’intervention. À l’instar de toute communication liée aux risques, il est essentiel de communiquer avec le public au moyen d’une terminologie facile à comprendre pour tout le monde. Des messages cohérents et coordonnés doivent provenir de sources crédibles, être clairs et simples, être appuyés par des faits et être mis dans le bon contexte pour bien expliquer les renseignements à l’intention du public cible.

Divers outils et médias devraient être utilisés pour communiquer fréquemment avec le public et d’autres parties intéressées. Les voies de communication traditionnelles, comme la télévision, les médias imprimés et la radio, devraient être complétées par d’autres méthodes, comme les médias sociaux, les sites Web, les forums, les assemblées publiques et les vidéos éducatives. La surveillance des médias sociaux et d’autres modes de communication permettra de se tenir au courant de la désinformation, des rumeurs et des questions qui intéressent particulièrement la population. Les messages cohérents en continu provenant des autorités éviteront les contradictions ou la confusion du public.

Une stratégie de communication centralisée devrait être établie au cours de la phase de la préparation en cas d’urgence afin de rejoindre les personnes déplacées par suite de l’incident et de préserver la mobilisation des membres de la collectivité. Il est essentiel de communiquer régulièrement avec les parties intéressées de la communauté avant une urgence pour tisser des liens de confiance avec eux. Stimuler la participation de la communauté avant une urgence en établissant des liens de partenaire avec les parties intéressées et les représentants de la communauté peut mener à une meilleure acceptation de la recherche sur la santé publique et, éventuellement, à l’autosuffisance de la communauté.

Le public et d’autres parties intéressées doivent être informés de manière régulière et doivent être appelés à participer à la prise de décisions. Ils devront savoir quel est l’organisme ou le groupe d’organismes responsables afin qu’ils sachent quelles instructions ils doivent suivre. La plupart des personnes seront préoccupées par les conséquences possibles sur la santé, particulièrement pour les enfants, et l’incidence de l’urgence sur l’environnement. Les décisions prises pendant la phase du rétablissement ont une incidence directe sur la vie quotidienne des populations touchées pendant une longue période. En encourageant la participation directe de la population, on incite les membres de la collectivité à fournir de la rétroaction en nous parlant de leurs préoccupations et de leurs priorités et on permet aux autorités d’y répondre directement de manière à établir des liens de confiance et à agir avec transparence.

L’établissement de centres publics d’accueil et d’information constitue une méthode de communication efficace avec les populations touchées et permet de recueillir des données, d’offrir un soutien et de diffuser de l’information, par exemple sur l’évaluation des doses et les voies d’exposition. Les programmes d’éducation sur les effets sur la santé des radiations et le concept du risque, présentés en collaboration avec des établissements d’enseignement, peuvent aider le public à mieux connaître et comprendre les mesures prises pendant les phases de transition et de rétablissement [28]. Ces types de centres donnent au public l’occasion de faire part de leur expérience personnelle et d’obtenir des réponses directes à leurs questions [8, 38], et l’accès à des équipements de contrôle pour faciliter les mesures d’autoassistance. Il est également important, au moyen de communications cohérentes et régulières, de sensibiliser le public aux mesures de radioprotection mises en œuvre au sein de la communauté grâce à la mobilisation de leaders crédibles, comme des enseignants, des chercheurs, des membres associés et des professionnels de la santé [8, 38]. Les dirigeants locaux peuvent faciliter le contact avec la population touchée, ce qui constitue une importante première étape à l’établissement d’un dialogue.

Annexe A : acronymes

AIEA
Agence internationale de l’énergie atomique
ALARA
niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre
CCSN
Commission canadienne de sûreté nucléaire
CIPR
Commission internationale de protection radiologique
CPOU
Centre provincial des opérations d’urgence
EGSF
Enquête sur la gestion de la santé à Fukushima
FSU
fonctions de soutien en cas d’urgence
LRIN
Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire
LSRN
Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires
mSv
millisievert
PFIU
Plan fédéral d’intervention d’urgence
PFUN
Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire
PPIUN
Plan provincial d’intervention en cas d’urgence nucléaire

Glossaire

Les définitions des termes utilisés dans le présent document figurent dans le REGDOC 3.6, Glossaire de la CCSN, qui comprend des termes et des définitions tirés de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, de ses règlements d’application ainsi que des documents d’application de la réglementation et d’autres publications de la CCSN. Le REGDOC 3.6 est fourni à titre de référence et pour information.

Les définitions des termes suivants sont fournis pour la première fois dans l’ébauche aux fins de consultation publique. À la suite de la consultation publique, on demandera à ce que la version définitive des définitions soit ajoutée à la prochaine version du REGDOC-3.6.

situation d’exposition d’urgence
Des situations imprévues qui peuvent se produire pendant l’exploitation d’un réacteur nucléaire ou l’utilisation de matières radioactives dans une situation planifiée et qui nécessitent des mesures urgentes pour éviter ou atténuer les conséquences indésirables

situation d’exposition existante
Des situations qui existent déjà lorsqu’une décision en matière de contrôle doit être prise, notamment en ce qui a trait à une situation d’exposition prolongée à la suite d’une urgence. Ces situations comprennent l’exposition au rayonnement de fond naturel, l’exposition à des matières radioactives résiduelles dérivées de pratiques antérieures qui n’ont jamais fait l’objet d’un contrôle réglementaire, et l’exposition due aux matières radioactives résiduelles dérivées d’une urgence nucléaire

situation d’exposition prévue
Des situations d’exposition dans laquelle l’utilisation de sources radioactives ou l’exploitation de réacteurs nucléaires est prévue.

mesure de protection
Mesure d’intervention d’urgence prise pour éviter ou réduire les doses qui pourraient être autrement reçues pendant une situation d’exposition d’urgence ou une situation d’exposition existante.

rétablissement
Période durant laquelle les activités sont axées sur la restauration de la qualité de vie et sur la remise en état des systèmes sociaux, des économies, des infrastructures collectives et de l’environnement. Le rétablissement peut débuter durant la phase d’intervention et se poursuivre pendant plusieurs années après l’urgence.

niveau de référence
Niveau de la dose ou du risque au-dessus duquel il est considéré comme inapproprié de prévoir une exposition et en dessous duquel il faut planifier et optimiser les mesures de protection.

Références

  1. Commission internationale de protection radiologique (CIPR). Recommandations 2007 de la Commission internationale de protection radiologique, Publication de l’ICRP 103: Ann. CIPR 37(2-4), 2007.
  2. Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). REGDOC-2.10.1, Préparation et intervention relatives aux urgences nucléaires, version 2, février 2016.
  3. Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Collection Normes de sûreté de l’AIEA, Prescriptions générales de sûreté No GSR Partie 7 : Préparation et conduite des interventions en cas de situation d’urgence nucléaire ou radiologique, 2015.
  4. AIEA, Collection Normes de sûreté de l’AIEA, Prescriptions générales de sûreté No GSR Part 3 (édition provisoire) : Radioprotection et sûreté des sources de rayonnements : Normes fondamentales internationales de sûreté, 2014.
  5. CCSN. Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (L.C. 1997, ch. 9), janvier 2017.
  6. AIEA. Collection normes de sûreté de l’AIEA no GSG-11, Arrangements for the Termination of a Nuclear or Radiological Emergency, 2018.
  7. United States Environmental Protection Agency, PAG Manual – Protective Action Guides and Planning Guidance for Radiological Incidents (Draft for Interim Use and Public Comment), mars 2013.
  8. Autorité de sûreté nucléaire, Comité Directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique (CODIRPA), Éléments de doctrine pour la gestion post-accidentelle d’un accident nucléaire, octobre 2012.
  9. National Council on Radiation Protection and Measurements (ICRP), Rapport no 175, Decision making for late-phase recovery from major nuclear or radiological incidents, décembre 2014.
  10. Nordic Guidelines and Recommendations, Protective Measures in the Early and Intermediate Phases of a Nuclear or Radiological Emergency, 2014.
  11. CCSN. Règlement sur la radioprotection (DORS/2000-203), juin 2016
  12. Santé Canada. Critères génériques et niveaux opérationnels d’intervention pour la planification et les interventions en cas d’urgence nucléaire, 2018.
  13. Sécurité publique Canada. Loi sur la gestion des urgences (L.C. 2007, ch. 15).
  14. Sécurité publique Canada. Plan fédéral d’intervention d’urgence, janvier 2011.
  15. Santé Canada. Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire (5e édition), janvier 2014.
  16. Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire (L.C. 2015, ch. 4, art. 120).
  17. Ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario. Plan provincial d’intervention en cas d’urgence nucléaire – Plan directeur 2017, 2017
  18. Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario. Plan d’intervention sanitaire en cas d’incident radiologique ou nucléaire, 2014.
  19. Ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, British Columbia Nuclear Emergency Plan, 2015.
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  37. CIPR. Publication 111 de la CIPR, Application of the Commission’s Recommendations for the Protection of People Living in Long-term Contaminated Areas after a Nuclear Accident or Radiation Emergency, volume 39(3), 2009.
  38. CIPR. ICRP Dialogue Initiative (2011-2015).
  39. AIEA. Collection Normes de sûreté no RS-G-1.8, Environmental and Source Monitoring for Purposes of Radiation Protection, 2005.
  40. Loi sur les aliments et drogues (L.R.C. (1985), ch. F-27)
  41. Commission du Codex Alimentarius. Norme générale pour les contaminants et les toxines présents dans les produits de consommation humaine, Tableau 1 – Radionucléides, 2010.
  42. CIPR. Draft Ethical Foundations of the System of Radiological Protection, sous presse.
  43. Groupe CSA. Norme CSA N288.1, Guide de calcul des limites opérationnelles dérivées de matières radioactives dans les effluents gazeux et liquides durant l’exploitation normale des installations nucléaires, 2014.
  44. Groupe CSA. Norme N288.2, Lignes directrices pour le calcul des conséquences radiologiques pour le public d’un rejet de matières radioactives dans l’air dans le cas des accidents de réacteurs nucléaires, 2014.
  45. AIEA. Collection Normes de sûreté de l’AIEA no WS-R-3, Remediation of Areas Contaminated by Past Activities and Accidents, 2003.
  46. W. Naito. The Role of Individual Dosimetry for Affected Residents in Post Accident Recovery – From the Fukushima Experience, présentation au Symposium de la CIPR 2017.
  47. Groupe CSA. Norme CSA N288.4-F10, Programmes de surveillance de l’environnement aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium, 2015
  48. AIEA. Collection Normes de sûreté de l’AIEA no 64, Programmes and Systems for Source and Environmental Radiation Monitoring, 2010.
  49. Groupe CSA. Norme CSA N292.3-14, Gestion des déchets radioactifs de faible et de moyenne activité, 2014.
  50. AIEA. Prescriptions de sûreté particulières no SSR-5, Stockage définitif des déchets radioactifs, 2011.
  51. AIEA. Prescriptions de sûreté particulières no SSG-23, The Safety Case and Safety Assessment for the Disposal of Radioactive Waste, 2012.
  52. Environmental Protection Agency des États-Unis, OSWER 9355.0-89, Institutional Controls: A Guide to Planning, Implementing, Maintaining, and Enforcing Institutional Controls at Contaminated Sites, 2012.

Renseignements supplémentaires

Les documents suivants fournissent de l’information complémentaire pouvant être pertinente ou utile pour comprendre les exigences et l’orientation présentées dans ce document d’application de la réglementation.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Pour une description complète de l’incident, au cours duquel un appareil de téléthérapie au cobalt 60 a été démontée et laissée sans surveillance pendant 18 jours, voir la publication de l’AIEA intitulée The Radiological Accident in Goiánia.

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Note de bas de page 2

L’Enquête sur la gestion de la santé de Fukushima était constituée d’une enquête sommaire et de quatre enquêtes détaillées : l’examen échographique de la thyroïde, l’examen médical complet, l’enquête sur la santé mentale et le mode de vie, et l’enquête sur la grossesse et l’accouchement. L’enquête sommaire visait une population d’environ 2,05 millions de personnes potentiellement touchées par les événements.

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Séries de documents d’application de la réglementation de la CCSN

Les installations et activités du secteur nucléaire du Canada sont réglementées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). En plus de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de ses règlements d'application, il pourrait y avoir des exigences en matière de conformité à d'autres outils de réglementation, comme les documents d'application de la réglementation ou les normes.

Depuis avril 2013, la collection des documents d’application de la réglementation actuels et prévus comporte trois grandes catégories et vingt-cinq séries, selon la structure ci-dessous. Les documents d’application de la réglementation préparés par la CCSN font partie de l’une des séries suivantes :

  • 1.0 Installations et activités réglementées
  • Séries 1.1 Installations dotées de réacteurs
    • 1.2 Installations de catégorie IB
    • 1.3 Mines et usines de concentration d'uranium
    • 1.4 Installations de catégorie II
    • 1.5 Homologation d'équipement réglementé
    • 1.6 Substances nucléaires et appareils à rayonnement
  • 2.0 Domaines de sûreté et de réglementation
  • Séries 2.1 Système de gestion
    • 2.2 Gestion du rendement humain
    • 2.3 Conduite de l'exploitation
    • 2.4 Analyse de la sûreté
    • 2.5 Conception matérielle
    • 2.6 Aptitude fonctionnelle
    • 2.7 Radioprotection
    • 2.8 Santé et sécurité classiques
    • 2.9 Protection de l'environnement
    • 2.10 Gestion des urgences et protection-incendie
    • 2.11 Gestion des déchets
    • 2.12 Sécurité
    • 2.13 Garanties et non-prolifération
    • 2.14 Emballage et transport
  • 3.0 Autres domaines de réglementation
  • Séries 3.1 Exigences relatives à la production de rapports
    • 3.2 Mobilisation du public et des Autochtones
    • 3.3 Garanties financières
    • 3.4 Délibérations de la Commission
    • 3.5 Processus et pratiques de la CCSN
    • 3.6 Glossaire de termes de la CCSN

Remarque : Les séries de documents d'application de la réglementation pourraient être modifiées périodiquement par la CCSN. Chaque série susmentionnée peut comprendre de plusieurs documents d'application de la réglementation. Pour obtenir la plus récente liste de documents d'application de la réglementation, veuillez consulter le site Web de la CCSN.

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